Tuesday, 28 April 2020 20:39

Le couscous, un art culinaire et des valeurs culturelles

Nous sommes au 13e jour, du mois du patrimoine, au 7e jour du ramadan et nous parlons du PCI.

Après le rituel de hannat-la’aroussa, un autre élément, un savoir-faire relatif au mariage, attire notre attention. Il s’agit du couscous.
La notion de savoir-faire regroupe tout ce que l’homme sait faire de ses mains. Ce sont les métiers, les arts, les techniques, transmis par les anciens, que quelques-uns et quelques-unes maîtrisent encore.
Le couscous en fait grandement partie, parce que sa fabrication prend du temps, parce qu’il passe par plusieurs étapes, nécessite des transformations savantes et exige une panoplie d’outils qui ont été façonnés à travers les siècles pour améliorer sa qualité, des ustensiles dont le nom d’ailleurs en dépend et qui n’existent que par rapport à lui : qedra-wal-keskas (faitout et couscoussier), gherbal (tami), djefna (plat ?)…
Le couscous est fait à base de blé, d’orge, de sorgho ou de mil, une agriculture de champs à grande échelle, qui nécessite peu d’eau, des terres moyennement fertiles, et qu’on retrouve un peu partout, surtout autour de la Méditerranée. C’est un repas tiré de la nature puisqu’il se prépare toujours avec ce que la terre nous donne comme légumes de saisons. Et la mer aussi puisque les villes côtières font le couscous au poisson.
Du champ à l’assiette, le blé passe par plusieurs étapes. La dernière, celle de rouler le couscous, est pénible, typiquement féminine et domestique. Celle de le préparer aussi. Ce qui aura précédé constitue une vraie industrie de transformation alimentaire, qui intègre les hommes et les femmes, se fait en plusieurs lieux externes, notamment le champ et le moulin, réunissant aussi plusieurs outils et d’autres savoir-faire. Autrefois, la meule aussi était un travail de maison féminin.
On peut alors commencé par la semoule prête à être roulée car ce qui a précédé relève d’autres savoir-faire. La préparation du plat d’excellence : le coucous, qui n’a de sens que s’il est fabriqué en groupe et consommé en groupe.
Le couscous est un plat qu’on ne mange pas seul, un plat qui réunit autour de lui ceux qui nous sont chers, accompagne nos joies et nos peines et aplanit les différences.
Pour son origine, il est vain de savoir d’où il vient, il existe bien avant l’existence des frontières entre les pays. L’origine géographique est un faux problème qu’il faut arrêter de mettre en avant. L’origine historique aussi est peu précise, car elle nous renvoie toujours plus loin, avec d’autres découvertes. Mais là se cache une autre appartenance autrement plus importante et plus intéressante, dont on ne parle pas, c’est l’exclusivité féminine. Même si aujourd’hui, il est servi dans des restaurants, préparé par des hommes, ça ne fait pas de lui un plat mixte. Le couscous est un art féminin.
Il y a aussi son internationalisation et sa multiplication : on le retrouve désormais sur les 5 continents, avec des variétés insoupçonnées. Mais ce n’est pas ça qui fait la culture du couscous. Savoir préparer un couscous royal à Paris ou un couscous végétarien à New-York ne vous introduit pas dans le secret de la culture ancestrale du couscous. Ce qu’il faut retenir, c’est justement cette valeur intergénérationnelle et cette charge affective culturelle et cultuelle que le couscous porte en lui et qu’il dégage lors de son apprentissage et sa transmission avec des pratiques singulières. Il y a dans le couscous des choses que les hommes ignorent et qui ne peuvent se faire que par les femmes et pour les femmes. Le couscous du mariage avec son matériel neuf compte des rituels féminins qui concernent la fille seule avec mère. Le couscous du mariage est un vrai rituel, il est roulé la veille ou quelques jours auparavant, réunissant des femmes de tout le village qui roulent en chantant des chants spécifiques à l’événement. Le septième jour après la naissance d’un enfant, c’est un couscous tout aussi ritualisé qu’on prépare et qu’on distribue aux voisins. Pour les décès, la douleur et la tristesse de l’événement sont supportés par un couscous que les voisins préparent à tour de rôle, les premiers jours, aux proches du disparu. La famille à son tour offre au troisième et au quarantième jour un couscous aux passants pour signifier qu’elle a fait son deuil.
Les zaouias, dans des lieux retirés, ont un couscous quotidien pour les visiteurs occasionnels. C’est aussi un couscous qui y est servi pour les wa’ada (cérémonies religieuses), régulières en date fixe ou ponctuelles.
Alors on ne peut pas dire que le couscous est un patrimoine menacé. Au contraire, il n’a jamais été aussi consommé dans le monde. Mais le danger est l’industrialisation qui propose des couscous roulés avec une qualité en constante amélioration et des prix concurrentiels. Alors, le couscous est de moins en moins roulé à la maison. Ce qui menace les traditions et rituels qui accompagnent l’opération de « rouler le couscous ». C’est cela qu’il faut savoir protéger.

Ouiza Galleze 

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