Chronique du Mois

Chronique du Mois

Le costume nuptial de la mariée de Tlemcen a été inscrit en 2012 sur les listes de l’Unesco comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

La tenue féminine et tout le rituel nuptial de mariage ont été inscrits, pour l’authenticité culturelle et cultuelle de ce qu’ils comportent et l’apport historique civilisationnel qu’ils apportent, réunissant des aspects du prodigieux passé de la ville rarement assemblés dans un événement aussi personnel et aussi festif.

La fête commence chez les parents de la fille. Dès le matin, la mariée est soumise à une somme de rituels qu’elle doit accomplir avant de rejoindre le domicile conjugal : des rites de passage pour protéger sa pureté, pour assurer le bonheur…

Tlemcen, une ville jalouse de son patrimoine, fait le nécessaire pour garantir cette inscription et lui donner sens. Un musée d’interprétation à el-Mechouar, assure la conservation des robes traditionnelles mais aussi l’authenticité du vrai « qarftan » et une chambre de l’artisanat qui associe ses efforts à ceux des associations très impliquées pour mener ensemble la guerre à la contrefaçon.

Le film raconte l’aventure du qarftan et les différents rites qui se pratiquent durant le mariage.

Majboud, fetla, des broderies en fil doré, un travail artisanal exclusivement manuel pratiqué et répandu dans toutes les régions notamment dans le Nord du pays. Une tenue finalisée qui passe par plusieurs étapes et constitue à chaque fois une entreprise à plusieurs niveaux de réalisation :

-  Une personne procède à la coupe du vêtement, un tissu de couleur, le grenat étant le plus utilisé, mais il existe aussi en mauve, noir, vert ou bleu.

-  Une autre fournit le dessin (rcham) et le support (fardh) en cuir fin, en carton, ou en kraft à fixer sur le tissu, découpé en fonction des choix de la couturière en accord avec la cliente.

-  Une troisième réalise la broderie en fil doré ou argenté.

Puis le travail repart vers la première personne qui finalise l’ouvrage qui peut durer de 4 à 6 mois. Un vrai chef-d’œuvre.

Les motifs : les dessins sont diversifiés, généralement inspirés de la nature, animaux (paon) ou fleurs (œillets). La disposition est généralement symétrique sur les vestes et sur les robes. Les motifs commencent par un nœud à partir des deux pointes-avant ou du centre en bas, et montent pour se rejoindre derrière le cou.

Al-Fatla est une autre forme de broderie, moins couteuse et moins complexe, qui se fait aussi sur du velours. Le fil est plus épais et se coud directement sur le tissu, mais ça produit d’autres chefs-d’œuvre.

 Comme pour tous les rites de passage, les tenues brodées sont accompagnées de légendes, en fonction de l’événement et de la région. La liste est longue.

Le malouf est le répertoire de la musique arabo-andalouse de Constantine. Influencée à l'origine par l'école de Séville, et plus tard, par la musique ottomane, elle est constituée de Noubas.

Même si la présence ottomane en Algérie a duré plusieurs siècles, quelques régions seulement ont bénéficié de ses biens faits artistiques et son influence sur la musique de Constantine est visible.

Il s'agit du bachraf (ouverture instrumentale qui tient la place de la touchia dans le malouf). C'est peut-être subtile pour un profane, mais les Constantinois savent faire la différence entre un bashraf de l'école de Constantine basé sur les modes andalous et un bashraf turc comme le "mahor".

Les noubas du malouf constantinois sont : Nouba Dhil, Nouba Maya, Nouba Mezmoum, Nouba M'jenba, Nouba Rasd dhil, Nouba Reml maya, Nouba Reml, Nouba Sika, Nouba Zidane, Nouba H'sine saba (h'sine transposé sur le mi).   

 

Le malouf a gagné tout le Nord-est de l'Algérie : Annaba, Collo, Guelma et même un peu le sud comme Biskra. On peut citer quelques maitres :

H'mida ben Lamssabah (1810-1905)
Nassim Boukebous - moitié du XIXème siècle
Mohamed Melouk - fin du XIXème siècle
Bestandji Ahmed - 1875/1946
Bestandji Abdelkerim - 1886/1940
Benlamri Larbi - 1890/1966
Baba Alaoua Bentabal - 1890/12-08-1976
Kara Beghli Abdelrahman (dit baba oubaid adou) - 1886/1956
Omar Chnouffi (dit chakleb) - 1857/1964
Tahar Benlamrabat - 1898/1947
Tahar ben Kertoussa - 1881/1946
Ali Khodja Ali (dit si h'souna) - 1856/1971
Berachi Mamar - 1904/1981
Toumi Siaf Abdelkader - 1906/2005

Abderrahmane Karabaghli,

Mohamed El Kourd, 

Mohamed Tahar Fergani, 

Cheikh Raymond, 

Abdelmoumen Bentobbal,

Ahcène El Annabi,

Simone Tamar,

Mustapha Remli.

Il existe à Constantine un autre genre musical majeur, aussi ancien que la nouba, connu sous la dénomination de Zjoul (propre à l'école de Constantine et non interprétés dans la nouba), dont les thèmes des Zjoul ont trait à la nature.

 

Les Chouyoukh du Malouf

 

Cheikh Hamou Gergani père de Tahar Fergani

L’aventure du Raï à commencé, vers la fin du 18e siècle, dans la vie pastorale des bergers qui venaient du sud-ouest, longeant oued Saïda en passant par Sidi-Belabes jusqu’à Oran pour vendre leur troupeaux, plusieurs fois par an et organisaient des soirées dans leur campement de nuit. On l’appelait l’aaroubi ou al-bédoui.

Il est l'œuvre  de bardes  de "chouyoukh". Puis sont venues les "chaykhat" dans les années 1930. Elles constituent la première révolution dans l'expression artistique en Algérie. A partir des années 1970, une seconde révolution va faire évoluer le chant aaroubi en raï et l’ouvrir aux jeunes "chab" et "chabbat" qui lui donneront à terme sa dimension nationale puis internationale. L’arrivée des maisons d’édition, des cassettes et des enregistrements ne sont pas étrangers à ce succès.

Comme le chaâbi, le raï, est interprété en langue locale parlée du vécu quotidien. L’orchestre était d’abord rudimentaire, qasba et guellal. Mais son ouverture inclut l’introduction de toutes sortes d’instruments sonores, jusqu’à la guitare électrique, le synthétiseur et la boite à rythmes.

Seulement, le raï est socialement et officiellement stigmatisé. Imposant des codes transgressifs et subversifs, en chantant le non-dit et en rejetant tout ce qui est courtois et conventionnel, il est vu comme synonyme de la déboche, qui se réclame de l’ivresse, le corps, le désir, l'amour et la liberté d'aimer. C’est en périphérie de la vie sociale qu’il évolue. Même si, subséquemment, il glorifie Dieu et les awliya’, ça ne suffit à le créditer. Ce n’est que vers les années 1980 qu’il sera admis dans les canaux de communication officiels. C’est donc sans nous et malgré nous, qu’il devient international. Il sera officiellement réintroduit en Algérie par l’organisation du festival du Raï.

Voici deux modèles de Raï ancien et moderne

https://www.youtube.com/watch?v=hzWMf7p67Xw

Achouiq est le chant des femmes kabyles, qui se pratique à peu près de la même façon depuis plusieurs siècles. C’est un a capella qui ne nécessite aucun instrument, juste en tapant des mains, même si à l’Est de la kabylie, certains utilisent le bendir, plus comme un instrument ritualisé que pour la musique.

Achouiq accompagne la vie dans ses joies et ses souffrances, dans le travail et le repos, dans la solitude et la compagnie. C’est l’air du chant qui donne le ton, pour exprimer une réalité ou symboliser un non dit. Il y a un achouiq pour chaque situation.

Ahiha exprime la joie. Il se compose à son tour de plusieurs sous-ensembles : Achouiq n’Tlalith se chante pour la naissance d’un bébé. Azouzen se dit pour endormir l’enfant, Ashtaddou pour faire jouer son enfant (ou faire danser : açarqass), thourarine sont des chansonnettes qui racontent des histoires pour les enfants. Puis il y a tivougharine qui constituent à leur tour des sous-ensembles qui tournent autour du mariage, la pose du henné pour la fille, pour le garçon, la sortie de la fille, le lendemain (taçavhith)…

Les fêtes de mariage sont des terrains d’expression privilégiés. Même les belles filles et les belles mères s’adonnent à des joutes verbales où elles s’étripent littéralement, sans conséquences sur la suite de leur vie, ça s’appelle am’iyar. Puis il y a les chants d’amour : amsiyah et des chants religieux :  Lamdah, ou encore Adhkar qui rappelle la mort et l’au-delà.

Mais achouiq n’est pas qu’événementiel, présent tous les jours, apporter de l’eau de la fontaine, moudre le blé, préparer sa laine, ou encore dans les champs où on trouve plus de femmes que d’hommes qui chantent Azouagh.

Les femmes qui chantent Achouiq peuvent être suivies ou précédées de Idabbalen, mais jamais en même temps.

Idabbalen : c’est une troupe strictement musicale d’hommes qui jouent des instruments élémentaires : flûte, tbel et bendir.

Pour les sauver de l’oubli, plusieurs achouiq ont été traduits en chansons par Taous Amrouche, Nouara, Na Cherifa, Hnifa, Idir… en rajoutant cependant quelques instruments simples.

https://www.youtube.com/watch?v=nWNYJkQU3uo

Sur Alger, le chaabi est arrivé au début du XXe siècle, comme une révolution dans le paysage artistique. Mais il s’est vite construit des limites, que d’autres sont encore venus déconstruire pour aller plus loin.

En effet, le chaabi est considéré comme une chanson traditionnelle, qu’on écoute en famille. Mais autrefois, c’était une révolution dans le panorama de l’andalous, du Madih et du aâroubi.

Ceux qui sont à l’origine du chaâbi, sont des révolutionnaires de l’art et de la chanson moderne, qui se revendiquaient de l’humain et exprimaient la souffrance d’une population et la douleur d’une jeunesse.

La première vague est restée dans les limites de la qaçida, politiquement correcte, sans instruments.

La deuxième vague a introduit les instruments de base : C’est seulement en 1926 que Hadj M’hamed al-Anka a introduit la derbouka, qui était interdite par les anciens qui se limitaient au guellal et au bendir. Puis est venue la guitare, ensuite le banjo (guitare et ténor), ney (flûte en roseau), qanûn, le violon et le piano, d’abord timidement, ensuite de plus en plus présent avec l’arrivée du virtuose Mustapha Skandrani. Et enfin le mandole dont al-Hadj a modifié la caisse pour amplifier les sons.

Dans la troisième vague, on trouve Dahmane, qui a actualisé les paroles et les a adapté à l’émigration.

Alors que hadj Mrizek va exporter le chaabi en dehors d’Alger, en organisant des galas à Cherchell ou encore dans la vallée du Mzab.a

Il y a aussi l’arrivée de la télévision avec les premiers enregistrements qui vont introduire la chanson dans les foyers, et l’apparition de la cassette qui contribue à la vulgarisation.

Dans la quatrième vague, Guerouabi a été un tournant décisif dans la chanson chaabi. Il devance la qaçida par la chansonnette que les jeunes apprécient déjà dans la chanson française, égyptienne et libannaise. Il leur donne plein de petites chansons que Al-Anka va condamner, comme « Allo, allo ». Il chante aussi l’amour « Zoudj h’mamat »…  

Ce genre, avec l’aide de Mahboub Bati, va être tellement modifié que les anciens le renient et lui refusent l’appellation chaabi. Ce sera du chaabi moderne (aaçri) : al-Bareh de Guerouabi, Rah al-ghali de Boudjemaa al-Ankiss, Mali hadja de Amar Ezahi, Nesthel al-kiyya de Amar el-Achab. Il y a aussi Abdelkader Chaou avec Djah rabbi ya jirani et même les femmes comme Saloua avec Ma tehelflich.

Mais les dépassements n’en finissent pas dans le chaabi. Le dernier en date est l’intervention de la voix féminine.

Sidi Abderrahmane n’a rien à voir avec la Rahmaniya qui est une tariqa soufie khalwatiya fondée au 18e siècle par Sidi M’hamed, originaire de Boughni sur les hauteurs de Jurjura, il a deux zaouïas-mère l’une en Kabylie l’autre à al-Hamma. Il l’a appelée ainsi, peut-être parce que son père se prénommait Aderrahmane.

Sidi adderrahmane se trouve à la Casbah. Il est originaire de la basse Kabylie, plus précisément des Essers ou Yesser, de Lakhdaria (Ex-Palestero), dans la wilaya de Boumerdès, à mi-chemin entre Alger et la haute Kabylie. Il est de la tribu des Thaâlba, et la légende raconte qu’il s’appelle ainsi parce qu’il aurait été allaité par une renarde (thaaluba).

Il s’appelle Bouzid Abderrahmane Ben Makhlouf (1384 –1471), plus connu par Sidi Abderrahmane ath-Thaalibi ou encore Abderrahmane babana (notre père).

Alger, étant en son temps une ville moyenne, ne lui permet pas de satisfaire pleinement sa quête de savoir. A l'âge de seize ans, il se rend à Béjaïa, alors ville de grand savoir que Sidi Boumédienne, deux siècles plus tôt, a érigée en ville universitaire. Puis il part à Tunis, au Caire et à la Mecque. Sur le chemin du retour il repasse par Tunis, et acquiert un certain nombre de parchemins. Sa quête du savoir aura duré 20 ans et le transport des écrits amassé a nécessité 250 mulets.

Penseur et théologien musulman, il a côtoyé les plus grands docteurs de son temps comme Abu Zayd al-Waghlissi, Abu Kassem al-M’shadalî, Abi Kassem al-Boughzalî, Mohamed ibn Khalf al-Oubay, et d’autres durant ses nombreux voyages en Orient.

De retour en 1414, il s’installe à Alger, où on lui confie la magistrature suprême de la ville (Cadi).

Il n’est pas fondateur d’une Tariqa, comme c’est le cas de Sidi-M’hamed, mais ceci n’enlève rien à sa grandeur et à son impact sur l’histoire d’Alger. Il est le fondateur de l’école Thaalibiya, où divers enseignements étaient prodigués (histoire, littérature, soufisme, doctrines, interprétation du Coran…). Pierre Boyer, raconte que ce pédagogue était capable de faire la classe à mille garçons le matin et à mille filles le soir.

Il est l’auteur de plus de 90 ouvrages dont les savants « Commentaires du Coran », « Les bons joyaux dans l’interprétation », « Les lumières éclairantes dans l’union de la Loi et de la Vérité », « Les jardins des Saints », « Des vérités sur le soufisme » et « Les nobles sciences dans l’observation des états de l’autre monde ».

Dans sa qobbâ, il a été inhumé en 1471. La gracieuse mosquée à l’architecture locale a été érigée tout autour en 1696, avec un haut minaret carré, reconnaissable à sa quadruple rangée d'arcatures encadrées de bandeaux de faïences.

Le lieu de Sidi Abderrahmane est toujours actif et fortement visité. Une cérémonie connue sous le nom de Mawloudyate dont l’origine remonte au xviie siècle est encore célébrée. Elle consiste en la récitation de poèmes religieux chantés dans le style des mouachahate la veille du Mouloud. Les poèmes chantés remontent au xviie siècle.

La chanson de Sidi Taalbi babana a été chantée Nassima, Meskoud, et en  ancienne version par Hadj M’hamed al-anka.

 

https://www.youtube.com/watch?v=I1SHMLnoBrs

 « al-Machreq est le pays des prophètes (anbiyya’) et al-Maghreb est le pays des awliyah ». (المشرق بلاد الأنبياء والمغرب بلاد الأولياء)

Un wali,un M’rabet, un Taleb, un chaykh, ou un saint même si cette appellation ne se veut pas adoptée par notre langage parce que seul Dieu bénéficie de ce qualifiant (çifa), est un proche de Dieu. Wali allah est un terme qui se classe dans le répertoire cultuel. Il désigne un individu qui ne cherche rien pour lui-même, mais se rapproche de la perfection (al-kamal) aux yeux de Dieu, même si certains passent pour des fous aux yeux des hommes.  Je ne traiterai pas ici la dimension soufie, mais seulement la dimension cultuelle.

Il n’y a pas de recette pour devenir un wali allah, certains réalisent des miracles, surtout dans l’imaginaire social. Mais c’est dans tous les cas, les gens qui étudient beaucoup, travaillent beaucoup et aident les autres au détriment de leur personne. Et les autres le leur rendent bien, ils les respectent, les écoutent, les consultent et ne dérogent pas à leur conseillent. Cette confiance peut même passer au-delà du temps. C’est ainsi que des siècles plus tard, on leur construit encore des mausolées et on continue de les consulter. Ce n’est pas par obligation qu’on rend visite à un wali allah, c’est par besoin et un sentiment de sécurité.

Sidi M’hamed ben Abderrahmane (1720-1793) a eu une vie mouvementée, pleine de savoir et d’adeptes, avec plusieurs années passées à l’extérieur du pays. Il a étudiait en Egypte puis il est parti dans plusieurs pays enseigner sa doctrine avant de revenir en Algérie.

Il a fondé la tariqa Rahmaniya Khalwatiya dite Tarahmanith et installé sa zaouïa dans la localité d’Ath Smail dans les montagnes de Jurjura, au dessus de Boghni. Mais devant le nombre grandissant des adeptes, il est venu à Alger et s’est installé à l’Est d’Alger, dans un endroit qui s’appellera Belcourt puis Hamma-Belouizdad.

Le nombre de ses adeptes a dépassé de loin tous ceux des autres tariqas, 80% des Algériens et 100% de la Kabylie.

Sentant la mort proche, il demande à repartir au village et rend l’âme à Ath Smail. On raconte que les adeptes d’Alger ont volé le corps dans la nuit et sont venus l’enterrer dans la zaouïa d Alger. Le lendemain, sa famille vérifie et trouve le corps encore dans la tombe d’Ath-Smail.

C’est ainsi que les uns et les autres sont persuadés d’avoir leur maitre avec eux. Et lui a deux tombes.

Dans l’histoire, la notion de deux tombes est assez répandue. Même si on ne le dit pas suffisamment, Ali ben Abi Taleb, pour ne citer que lui, a deux tombes : Selon une tradition afghane, il serait enterré dans la ville de Mazâr Charîf où son mausolée est visible sur l'esplanade de la Mosquée bleue. Alors que la majorité des chiites considèrent qu'il est enterré dans le mausolée de Nadjaf, dans l'actuel Irak, une ville qui a été d’ailleurs fortement endommagée lors des dernières attaques, en 2003.

Bien sûr, le profane peine à y croire, le rationaliste aussi, le radicaliste encore plus. Mais si on veut rester proches de ceux qui ont tout donner pour conserver la culture de cette terre et la protéger de l’oubli, il faut laisser le culte dans son contexte légendaire et mythologique et laisser le miracle opérer.

 

سيدي أمحمد بو قبرين

 

يقال أن "المشرق هي بلاد الأنبياء والمغرب بلاد الأولياء".

الولي أو لَمْرابط أو الطالب أو الشيخ أو قد يسمى القديس حتى إن كان هذا اللفظ غير مقبول في لغتنا لأن القداسة من صفات الله وحده، فالولي يبقى قريبا من الله. نقصد بعبارة "ولي الله" شخصًا لا يطلب شيئًا لنفسه ولكنه يقترب من الكمال (الكمال) لقربه من الله، حتى لو كان البعض منهم يبدو في أعين الناس على شكل المجنون أو الأحمق. ولن أعالج هنا الجانب الصوفي بل فقط البعد العقائدي.

لا توجد وصفة للوصول إلى مرتبة الولي. البعض منهم قد يحقق المعجزات لكن هذا نتاج المخيال الشعبي وليس هدفهم. الولي هو فقط من درس الدين كثيرًا، ويعمل كثيرًا ويساعد الآخرين على حساب نفسه. وهذا ما يأخذه الناس بعين الاعتبار ويردون مثله حيث أن الكل يحترم الأولياء، يستمعون إليهم، يشاورونهم ولا يتخلوا عن نصائحهم. وقد تتعدى هذه الثقة حدود الزمن فتبنى لهم مقامات وأضرحة وتزار حتى بعد قرون. إن زيارة الولي ليست في سجل الواجبات بل هي حاجة وشعور بالاطمئنان.

عاش سيدي أمحمد بن عبد الرحمان (1720-1793) حياة مليئة بالعلم مع العديد من الأتباع. بعد قضاء عدة سنوات خارج البلاد، حيث درس في مصر و زار العديد من الدول لتلقين علمه، عاد إلى الجزائر.

استقر في آث اسماعيل قرب بوغني بقريته الأصلية وأسس الطريقة الخلواتية الرحمانية "ثارحمانيث" ببناء زاوية متواضعة. لكن توافد الأتباع من كل مكان جعله يؤسس زاوية أخرى في شرق الجزائر ما سيسمى الحامة بلوزداد فيما بعد أي بيلكور.

لقد تجاوز عدد أتباعه كل الطرق الأخرى، 100٪ في بلاد القبائل و80٪ من كل أرجاء الوطن.

لما شعر بأن النهاية اقتربت، أراد العودة إلى القرية أين أخذ الله أمانته. بعد الدفن، يقال إن أتباع العاصمة سرقوا الجثمان وفروا هاربين، ما جعل سكان آث اسماعيل يشكون ففتحوا القبر. لكن وجدوا جثة الشيخ على حالها. هكذا صار له قبرين، واحد في الزاوية الأصل بقريته وآخر في زاوية الحامة.

إن مفهوم "بوقبرين" منتشر في التاريخ، حتى إذا لا يخصص له ما يستحق من الأهمية والاعتبار. إن لسيدنا علي بن أبي طالب قبرين: واحد في أفغانستان في مدينة مزار الشريف حيث يمكن رؤية ضريحه في ساحة المسجد الأزرق. في حين أن أغلبية الشيعة يزورون ضريح النجف بالعراق. وقد تضررت هذه المدينة من هجمات 2003.

إن عمق المسألة لا يمكن لشخص عادي أن يتمكن منها. كما يرفضها العقلاني وينبذها المتطرف أيضًا. لكن إذا أردنا أن نبقى على إيمان بقضية أولئك الذين قدموا حياتهم للحفاظ على ثقافة أجدادنا وحمايتها من النسيان، واجب علينا أن نترك للمعجزة مكان في أساطيرنا التأسيسية، فهي لها حق علينا.

 

 

 

L’Ahellil a été classé en 2008, sur la liste représentative. En vérité, ce classement a eu lieu en 2005 comme chef d’œuvre de l’humanité, au même titre que plusieurs autres éléments du monde, car la répartition par listes n’était pas encore distincte. Le contenu du dossier n’avait pas non plus l’importance technique qu’il revêt aujourd’hui.

En 2008, ce sont 90 pratiques déjà classées comme chefs-d'œuvre de l’humanité de 2003 à 2007 qui ont été transférées sur la liste représentative. Puis de 2009 à 2014, 224 autres chefs-d’œuvre sont venus la compléter.

C’est ainsi que l’Ahellil avec juste quelques photos a été classé. Au même titre, on trouve « L’art des Akyn, conteurs épiques Kirghiz » du Kirghizistan proclamé en 2003 comme chef-d’œuvre de l’humanité, « El Güegüense » du Nicaragua proclamé en 2005, « L’art des Meddah, conteurs publics » de Turquie proclamé en 2003, « L’épopée Al-Sirah al-Hilaliyyah » d’Egypte proclamée en 2003 et d’autres.

Aujourd’hui, le classement pour la sauvegarde internationale du PCI s’organise autour de 3 types de listes : la Liste représentative, la Liste nécessitant une sauvegarde urgente et le Registre des meilleures pratiques de sauvegarde, avec des conditions de dépôt très précises.

Le classement de l’Ahellil est le résultat d’un travail de longue haleine. L’inquiétude sur l’état de santé artistique de ce chant a commencé dans les années 70 lorsque Mouloud Mammeri l’a découvert à proximité de Timimoun dans la wilaya d’Adrar, précisément dans l’oasis de Charouine. Quelques personnes à peine chantaient encore cet air particulier dans des paroles zénètes, dans des fêtes, des rituels ou des soirées organisées ou improvisées qui duraient toutes la nuit avec du Baroud.

Depuis l’inscription, plusieurs groupes se sont constitués et l’Ahellil de renommée internationale se porte bien.

 

شروط تسجيل الأهليل على قائمة روائع الإنسانية

الأهليل : تم تصنيفه في 2008 على القائمة التمثيلية لليونسكو. إلا أن هذا التصنيف قد تم في الواقع في 2005، وكان آنذاك على "قائمة روائع الإنسانية"، مثله مثل العديد من عناصر أخرى في العالم، لأن التوزيع حسب القوائم لم يكن محكما بعد، شأنه شأن محتوى ملف التصنيف الذي أصبح مع مرور الزمن ذا أهمية تقنية كبرى.

في عام 2008، تم نقل 90 ممارسة من قائمة روائع الإنسانية إلى القائمة التمثيلية، كانت قد صنفت بين 2003 و2007. ثم من 2009 إلى 2014، 224 ممارسة أخرى أضيفت إليها.

في هذه الظروف تم تصنيف الأهليل بتقديم تعريف بسيط وعدد قليل من الصور. هكذا نجد "فن آكين (Akyn) من رواة القصص الكرغيزية " من كيرغيزستان الذي صنف عام 2003 من روائع الإنسانية، و "الغيغانس (El Güegüense)" من نيكاراغوا الذي صنف في 2005، و"فن المداحين والرواة العموميون لتركيا الذي صنف في 2003، و"ملحمة السيرة الهلالية" لمصر التي صنفت في 2003 وغير ذلك.إن التصنيف الدولي للتراث الثقافي غير المادي من أجل حمايته يتم اليوم على 3 أشكال من القوائم: القائمة التمثيلية وقائمة الحماية المستعجلة وسجل أفضل الممارسات، ولكل منها شروط إيداع دقيقة للغاية.تصنيف الأهليل كان نتيجة جهد كبير وطويل المدى. بدأ الاهتمام بالصحة الفنية لهذا النوع من المغنى في السبعينيات عندما اكتشف مولود معمري وجودها، بالقرب من تيميمون، بالضبط في واحة شاروين، في ولاية أدرار. وكان لم يبقى ممن يجيد هذه النغمة بكلمات الزناتية إلا قليل من الناس، يظهرون في الطقوس أو الحفلات أو الأمسيات منظمة كانت أو مرتجلة، ويستمر الغنى طوال الليل مع لعبة البارود.منذ التسجيل، أّنشِأ العديد من المجموعات والأجواق وأصبح الأهليل بشهرته الدولية في صحة جيدة.

Ouiza Gallèze

Cet élément a été classé sous l’intitulé : « Le pèlerinage annuel au mausolée de Sidi ‘Abd el-Qader Ben Mohammed dit Sidi Cheikh ». Il met en exergue la visite que des communautés soufies nomades et sédentaires effectuent au mausolée du maitre soufi Sidi abdelkader plus connu sous le nom de « Sidi Cheikh », nom attribué par la suite à la localité où il a jadis habité. L’événement dure 3 jours, à partir du dernier jeudi de juin. C’est un rituel religieux accompagné de manifestations festives et commerciales.

Au niveau religieux, ce pèlerinage renouvelle les liens et les alliances au sein de la tariqa soufie et assure la paix et la stabilité entre les communautés. A travers les siècles, il a permis de mieux faire connaitre le soufisme, en faisant la promotion de ses valeurs communautaires telles que l’hospitalité et les pratiques collectives.

Ce film, qui reste très court par rapport à l’événement, montre la diversité, les échanges, le partage, le vivre ensemble. Dans l’enceinte du bâtiment se déroule, de la prière du soir jusqu’à celle de l’aube, les rituels religieux comme la prière de groupe, la lecture de la Fatiha et la récitation en chœur du Coran, dite par les anciens adeptes et suivie par les nouveaux apprenants. En périphérie, on trouve des festivités profanes comme les jeux d’escrime, des compétitions équestres, des danses et des échanges commerciaux.

La fantasia mobilise plus de 300 cavaliers de différentes communautés. L’année qui a suivi le classement, a vu le nombre des participants doubler. Nécessitant de grands espaces pour se déployer, les autorités locales se sont dépêchées de dégager d’autres terrains. 

Aujourd’hui, la société est beaucoup moins nomades et les gens n’empruntent plus de caravanes, mais les festivités du Rakb sont encore attendues et convoitées. C’est un modèle du patrimoine culturel immatériel que les communautés devraient continuer à encourager et les autorités à promouvoir et accompagner sans l’impacter, le figer ou le changer.

 

 ركب سيدي الشيخ

تم تصنيف هذا العنصر تحت عنوان: "الزيارة السنوية إلى ضريح سيدي عبد القادر بن محمد المعروف بسيدي الشيخ". وهو يلقي الضوء على الزيارة التي يقوم بها رجال الصوفية، الرحالة منهم والمستقرون، إلى ضريح الشيخ الصوفي سيدي عبد القادر المعروف باسم "سيدي الشيخ"، والذي نُسبت له بعد ذلك المنطقة التي عاش فيها. تستمر الزيارة 3 أيام، ابتداء من آخر خميس شهر جوان (يونيو). فيها طقوس دينية مصحوبة باحتفالات ومعارض تجارية.

على الصعيد الديني، يجدد هذا الحدث العلاقات بين أعضاء الطريقة الصوفية ويضمن السلام والاستقرار بين المجموعات. على مر القرون، حسنت الزيارة الإحساس بالوعي الصوفي بتعزيز قيم مجموعاته مثل الضيافة والممارسات الجماعية.

يكشف هذا الفيلم القصير عن بعض مظاهر التنوع والتبادل والشراكة والعيش معًا. تُنَظّم الطقوس الدينية داخل المبنى، منذ صلاة العشاء إلى غاية الفجر، مثل الصلاة الجماعية وقراءة الفاتحة والتلاوة الجماعية للقرآن من قبل الكبار بحضور المريدين الجدد. في الخارج وفي الضواحي المبنى، نجد احتفالات متعددة مثل ألعاب المبارزة ومسابقات الخيل والرقصات والتبادلات التجارية.

تجمع الفانتازيا أكثر من 300 متسابق قادمين من شتى النواحي. وقد شهدت السنة التي عاقبت التسجيل على قوائم اليونسكو مضاعفة هذا العدد. ما دفع بالسلطات المحلية إلى مضاعفة مساحات المسابقات.

ندرك أن مجتمع اليوم أقل بداوة ولا يتنقل بالقوافل، ولكن احتفالات "ركب سيد الشيخ" لا تزال موجودة يتوافد إليها الزوار. هذا النوع من التراث الثقافي غير المادي يجب أن يستمر، تواصل المجتمعات في تشجيعه وتواصل السلطات في تعزيزه ودعمه دون أن تحاول التأثير عليه أو تجميده أو تغييره.

 

 

Parmi les richesses d’Ath-Yenni, « acigha na-l-fetta » (les bijoux d’argent), plus anciennement connu sous le nom amazigh de « azraf », une appellation peu utilisée de nos jours.
Ath Yenni ou Beni Yenni est une commune rurale située dans le massif de Kabylie, à 35 km de Tizi-Ouzou et 135 km à l'Est d'Alger, d’une Daira composé de Ath-Yenni, Iboudraren et Yatafen . Ses reliefs sont formés d'une succession de collines au piémont de la chaîne du Djurdjura, visible de tous les villages environnants. Ses villages sont reconnus pour leurs bijoux d’argent massif, d’une finesse non comparable.
Le bijoutier de l’argent, qu'on appelle "Ahaddad", signifie « le forgeron ». Son art représente une identité artistique et une marque de reconnaissance déposée. Mais l’appellation appropriée est «asekkak», non utilisée de nos jours.
Certes, le métier de bijoutier-argentier dépasse Ath Yenni, vers les Ath-Smaïl, Ath Larbaa, Taourirt Mimoun et autres. On trouve aussi des « argentiers » dans la région des chaouias et dans le sud, parvenant jusqu’aux pays africains passant par les Touareg, ainsi que certaines villes du Maroc et de Tunisie et même dans le Sud de l’Europe. Mais le style des Ath Yenni et des villages environnants est singulier, caractérisé par les couleurs utilisées avec éclat, la précision et la symbolique sociale. En plus, ce petit village a réuni avant les années de detresse de 1990, plus de 400 bijoutiers qui livraient dans le monde entier. Il n’en reste plus que 10% de ces artisans.
Les bijoutiers travaillent seuls, ou par petits groupes généralement de la même famille, transmettant le métier, par un apprentissage traditionnel, de pères en fils. On y trouvent aussi des femmes.
On ne sait pas exactement quand ce savoir-faire est parvenu aux Ath-Yenni. Plusieurs théories se battent sur la date de naissance et la paternité de cet art. Mais les techniques de fonte et de moulage de l’argent, courantes dans toute l’Afrique du Nord, remontent à l’antiquité. Leurs gestes n’ont pas tellement évolué. La fabrication reste le plus souvent traditionnelle, les articles sont confectionnés au moyen d’une minuscule enclume alors que la technique de l’émaillage est réalisé en prenant soin de délimiter les parties à teindre, en y soudant des fils en argent.
Les premiers bijoux étaient de couleur argent ou avec juste des bouts de corail rouge. L’émaillage coloré en bleu,vert et jaune est venu plus tard. Par le passé, après la fabrication du bijou, les sculptures étaient réalisées par un armurier, qui sculptait par ailleurs les crosses des fusils.
Le bijou est une expression de joie. On le porte pour plusieurs événements. Il n’y a pas d’âge pour commencer à le porter. Les filles reçoivent leurs premières boucles d’oreilles dès la naissance, au septième jour. Même si certaines mamans préfèrent attendre la floraison ; et la mariée se pare de bijoux éclatants de toutes les couleurs du prinemps.
L'argent protège aussi : aux langes de bébés sont accrochés de petits objets d’argent pour le protéger du mauvais oeil. Dans le henné de la mariée, on met une bague ou une pièce d'argent, pour la circoncision du garçon aussi, car dans l'imaginaire social, la pureté est associée à l'argent. Par exemple, durant toute la fête de circoncision ou de mariage du fils, la mère accroche un bracelet à son foulard ou place une fibule sur son front, pour protéger la cérémonie des forces du mal. C’est aussi un signe de bénédiction, certains garçons portent une boucle d'oreille ('ayyacha/faire vivre), pour les protéger. Cela signifie que sa mère a perdu des enfants avant lui.
Pour lutter contre la grande bourgeoisie qui lui préfère l’or, juste pour une question de prix, et contre la mondialisation où les nouvelles générations préfèrent les bijoux fantaisie pour changer souvent ou les bijoux éphémères, présentant même des copies conformes de cette argenterie, les bijoutiers d’Ath-Yenni organisent « le salon du bijou d’argent d’Ath-Yenni » chaque premier week-end du mois d’aout. C’est un salon qu’il faut encourager pour sauver ces œuvres d’art, les empécher de sombrer dans l’oubli et les protéger de la contrefaçon.

 



 

La calligraphie est un art qui peut se traduire dans plusieurs langues, et peut être comprise comme une langue universelle, malgré les différences.

La calligraphie arabe se définit comme la forme scripturaire la plus ancienne de la langue arabe. Les plus anciens héritages d’écriture viennent du Hijaz (terre d’Arabie) quelques temps avant l’arrivée de l’islam. Elle s’enrichit avec les premiers manuscrits du Coran. Il s'agit d'une écriture simple angulée ou cursive, où les notations et déclinaisons des voyelles courtes sont peu ou pas indiquées. Puis elle se développe rapidement notamment avec la propagation de l’Islam, la diffusion du Coran et même d’autres types de livres dans les pays islamisés.

Elle prend aussi une valeur symbolique et s’imprègne de l’esprit soufi qu’elle conquiert et s’y impose comme une vision du monde : al-Houroufiya qui trouve dans les lettres de l’alphabet tous les secrets de l’univers. Ce terme ne doit toutefois pas être confondu avec les houroufis, soit les calligraphes qui font des lettres un outil simplement esthétique. C’est un tout autre sens.

La calligraphie a atteint son apogée à l’époque abbasside à Baghdad. Comme elle s’est répandue dans toutes les contrées musulmanes et chaque pays va créer son propre style et sa propre école donnant ainsi lieu à plusieurs formes calligraphiques.

Deux tendances principales d’écritures vont émerger : al-Koufi et al-Naskhi. En Afrique du Nord, l’Algérie compris, se développe al-khat al-maghribi (la calligraphie du Maghreb). Alors qu’à l’Est, l’écriture influencera la miniature, un art qui va d’ailleurs séduire beaucoup d’artistes algériens.

La calligraphie est d’abord un moyen d’écriture et d’expression stylée et soignée. Toutes les grandes choses sont écrites par des calligraphes. Le coran imprimé, vendu dans toutes les librairies d’Algérie depuis près d’un demi-siècle, a été calligraphié par Mohamed Bensaid Cherifi. Toutes les lettres officielles, que les présidents algériens qui se sont succédés ont envoyées à d’autres présidents du monde, ont été rédigées par Abdelhamid Skander. Tous les documents officiels, cartes d’identité et passeports sont un travail de calligraphes.

Mais avec le développement technologique donnant aux machines le pouvoir de reproduire n’importe quelle police d’écriture, la calligraphie se réduit de plus en plus à un simple art graphique ou un don artistique. Ce qui réduit le fossé entre calligraphes et houroufis mais met en danger la vraie raison d’être du calligraphe.

Un poète dit :

Un quart de l’écriture est dans la noirceur de son encre,

Un autre quart, dans la fabrication de l’ouvrage,

Un quart dans un calame bien taillé,

Enfin, en quatrième principe, s’érige le papier.

Voici des photos de quelques grands calligraphes algériens de renommée internationale.

 

 فن الخط العربي

فن الخط موجود في عدة لغات، حتى أنه يمكن اعتباره لغة عالمية، لبساطة التواصل به، على الرغم من الاختلافات بين اللغات.

للخط العربي أشكال قديمة سبقت الإسلام بقليل، حيث أن أقدم أساليب الكتابة كانت في بلاد الحجاز. لقد برز مع المخطوطات الأولى للقرآن، وكانت النصوص الأولى بسيطة غير منقطة.

ثم بدأ ينمو بسرعة مع انتشار الإسلام، إذ كثر طلب كتب النص القرآني وكتب أخرى في الدول الإسلامية.

كما أخذ الحديث عن الحروف قيمة رمزية تشبعت بالروح الصوفية، حيث ظهرت المدارس الحروفية التي تجد في الأبجدية كل أسرار الكون. لكن يجب أن نميز بين الحروفية في التصوف والخطاطين الحروفيين الذين جعلوا من الحروف مجرد أداة جمالية.

وصل الخط العربي ذروته خلال العصر العباسي في بغداد. انتشر حينها في جميع البلدان الإسلامية، إذ عملت كل دولة على تأسيس أسلوبها والمدارس الخاصة به في كل منها العديد من أشكال الخط.

في هذه التفرعات الهائلة ظهر اتجاهان رئيسيان للخط العربي: الخط الكوفي والخط النسخي. في شمال إفريقيا، بما في ذلك الجزائر، ظهر الخط المغربي. بينما أثر على فن المنمنمات في الشرق، ذلك الفن الذي أثار إعجاب العديد من الفنانين الجزائريين.

إلا أن الوظيفة الأولى لفن الخط يجب أن تكون التواصل أي كتابة نصوص حقيقية ذات غرض بخط أنيق جلي للتعبير عن فكر وتوصيل رسالة. كل الأشياء العظيمة كتبت بيد الخطاطين. القرآن المطبوع، الذي يباع في جميع المكتبات الجزائرية منذ قرابة نصف قرن، تمت كتابته على يد محمد بن سعيد شريفي. جميع الرسائل الرسمية، التي بعثها الرؤساء الجزائريون الذين تعاقبوا على الحكم إلى رؤساء آخرين في العالم، كتبها عبد الحميد اسكندر. كل البطاقات الوطنية وجوازات السفر والأوراق الرسمية الأخرى كانت بيد الخطاطين.

لكن التطور التكنولوجي الذي مكّن الآلة من نسخ أي خط يدوي قلّل من قيمة شأن الخط أكثر فأكثر، حتى صار موهبة فنية أو مجرد مادة تُدرّس في مدارس الفنون الجميلة. هذا ما يُضيّق الفجوة بين الخطاطين والحروفيين لكنه يُعرّض فن الخط للخطر ويُقلل من شأن الخطاط والسبب الحقيقي لوجوده.

يقول الشاعر:

ربع الكتابة في سواد مدادها  ****  والربع في صنع الكتاب

وربع في قلم تسوي بريه   ****    وعلى الكواغد رابع الأسباب

 

هذه صور بعض الخطاطين الجزائريين ذوي السمعة العالمية. وغيرهم الكثير.

 Le chanteur Idir, monument de la chanson kabyle, est décédé dans la soirée du 2 mai, qu’il repose en paix.

 « A vava inouva » est sa chanson la plus connue, jamais démodée, chantée dans une multitudes de langues. « Essendou » aussi. Deux berceuses qui ont adoucît notre enfance.

Mais s’il est vraiment poignant, c’est parce qu’il a chanté la condition de la femme kabyle, mieux que n’importe quel grand poète du monde. Presque aussi bien que Nouara.

« Ouh a watma » est une chanson en hommage à toutes les sœurs, toutes les femmes qui ont des frères. Pourquoi n’a-t-elle pas été mise en avant ? Parce que tous les frères –ou presque tous les frères – qui sont tels que les décrits la chanson, ne sont pas prêts de changer. « Ouh a watma » est l’expression de la douleur morale, de la misère de l’âme d’un être qui vient pour souffrir et, ne pouvant attendre un changement dans l’espoir d’un jour qui se lève, partira aussi dans la douleur.

« Oh, ma soeur, je vais te dire des mots qui te feront mal,

Personne n’a voulu de toi, on t’a craint le jour de ta naissance,

Tu es une bombe, si tu glisses, ils seront eclaboussés,

Celui qui est de ton côté désespère.

 

Ton droit est ecrasé, bouffé par tes frères,

tu as été vendue au rabais, le marché est conclu entre hommes,

La fête est finie, tu quittes la maison en deuil,

Celui qui est de ton côté désespère.

 

Le jour du mariage, la nuit te semble très longue,

Ils sont contents, ils t’envoient dans une maison qui n’est pas tienne,

Tu es obligée, ferme-la, laisse les autres parler,

Celui qui est de ton côté désespère.

 

Oh, ma sœur, ta condition fait de la peine,

Tu vas avoir des enfants, que tu élèveras dans la misère,

Car tu espères qu’ils seront plus chanceux,

On est de ton côté et on désespère.

 

 

إيدير فنان المرأة رحل

 

"آ فافا إينوفا" هي أكبر أغنيته اشتهر بها، أخرجها من أرشيفات أغاني الجدات وأعطى لها صبغة عالمية بموسيقى خلابة.  فترجمت إلى العديد من اللغات. ثم أغنية "أسندو" جد مشهورة أيضا وإن لم تصل إلى مقام الأولى. أغنيتين اثنتين من التهويدات التي هزت طفولتنا.لكن إذا كان إيدير يؤثر فينا إلى هذا الحد حقا، فذلك لأنه غنى حالة المرأة القبلية المزرية، أفضل من أي شاعر عظيم في العالم. تقريبا كما فعلت "نوارة"."آه أوتما" (آه يا أختي) هي أعظم أغنية قبائلية وصفت حالة المرأة وبكت على جميع النساء وجميع أخوات الأخوة. لماذا لم يتم تسليط الضوء عليها؟ لأن كل الإخوة -أو جلهم تقريبًا -الذين تم وصفهم بالشعر، ليسوا مستعدين للتغيير."آه أوتما" تعبر عن آلام داخلي، وبؤس في التربية والعادات والروح، إنها معاناة أخت، التي لا تنتظر أي تغيير في حالتها، ولا أمل في النهوض يوم ما. فهي سيغادر يوم ما كما جاءت بآلامها.

 

 

 

 

Le musée de Lalla Fatma N’Soumer est situé dans la zaouïa qui a abrité les derniers jours de la révolutionnaire, une zaouïa de la Tariqa Rahmaniya qui a été transformée en musée d’interprétation pour cela même.

Un musée d’interprétation est un musée qui représente, par des mannequins, un itinéraire de vie ou des situations.

C’est un véritable joyau que détient la commune de Aïssaouia, à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Tablat, dans la wilaya de Médéa. Il peut devenir un lieu de pèlerinage, parce que tous les Algériens affectionnent Lalla Fatma. D’autant qu’il est situé à côté du cimetière où a été enterrée Lalla Fatma, dont la tombe continue d’être visitée, même si la dépouille a été transférée au cimetière d’al-Alia en 1994.

On y voit Lalla Fatma, Bou Baghla, la scène de son arrestation et sa fin tragique à 33 ans.

 

 

Ouiza Gallèze

 

Nous sommes le 1er mai, c’est la fête du travail, le 14e jour du mois du patrimoine et le 8e du ramadan.
Je me dis que pour un jour aussi important, on va parler de quelque chose de plus original : al-aoula ou la réserve de nourriture.
Al-aoula, la réserve ou le stock
Al-aoula est une tradition sociale pratiquée uniformément dans toute l’Algérie. Même si nous sommes désormais dans une économie de marché et qu’on peut acheter beaucoup de choses toute l’année, les habitudes ont la vie dure, on se retrouve encore à faire la réserve d’un tas de produits.
De fait, le premier aliment que les Algériens conservent est le couscous. Ils font ou font faire manuellement des quantités appréciables qui vont de 10 à 50 kg, à consommer durant plusieurs mois, voire toute l’année. Il y a aussi l’huile d’olives que nous retrouvons en grande quantité chez les gens, surtout ceux qui possèdent des oliviers, qu’ils soient encore en milieu rural ou habitants des villes.
Une grande tradition ancestrale que se partagent tous les Algériens est l’expression même de la philosophie d’al-aoula : yennayer. Yennayer marque le début de l’hiver. Les gens font le sondage de ce qui reste comme réserves pour eux-mêmes et pour tous les habitants du village qui doivent parvenir au printemps à l’abri du besoin. De toutes les productions du printemps, de l’été et de l’automne, tout doit parvenir jusqu’à la fin de l’hiver.
Al-aoula est un concept mythique qui respecte la vie de famille, on le dit utile aux envies des femmes enceintes (المتوحمات) et aussi pour les malades en fin de vie qui ont souvent envie de quelques fruits ou légumes hors saison.
Autrefois, al-aoula ne se faisait pas dans les placards. Elle avait ses espaces et ses outils particuliers. Des jarres (koufi) à la taille des richesses familiales occupaient une partie plus ou moins importante des grandes pièces, et des petites chambres en hauteur étaient entièrement consacrées à cet effet.
On conserve d’abord la semoule de blé dur, dans tous ses calibres, fine, moyenne et grosse, dans des sacs en lainage, surélevé du sol, de la farine de blé tendre, du couscous, mhamsa, et bercoucas. De même, les légumes comme les carottes, les navets, du chou-fleur, du fenouil, les olives, les tomates, les poivrons, le piment… La conservation de ceux-là se fait dans des bocaux en verre ou des jarres en terre cuite, plongée dans l’eau avec du sel, du vinaigre, des quartiers de citron, des branches de laurier et du fenouil sauvage. On conserve aussi dans l’huile, surtout pour les aliments cuits comme la tomate prête à la consommation ou les poivrons cuits et pelés.
La confiture faite maison est une forme citadine de conservation. On trouve les oranges, les coings, les pommes et même des raisins, pourtant difficile de les garder résistants avec la peau, chose dont excellent les femmes de Médéa.
Puis la conserve de viande salée séchée, plusieurs morceaux du mouton de Aïd Lakbir, notamment des parties précises, réservées au jour de Achoura et le jour du Mouloud.
La viande est coupée en carré corrects, parfois sans les détacher les uns des autres. Les morceaux sont plusieurs fois plongés et frottés dans du sel, jusqu’à bien en imprégner tous les cotés et en profondeur. « Monter les morceaux sur un fil, les accrocher dans un endroit aéré mais pas ensoleillé, couvrir avec une compresse, retourner parfois le tout et laisser sécher 5 à 6 jours. »
Enfin, des plats cuisinés peuvent être aussi entièrement conservés selon des méthodes particulières comme al-‘ousbane.
Pendant des siècles, les nomades, les hommes bleus du désert, séchaient les denrées alimentaires qu’ils transportaient dans leurs pérégrinations : tomates, ail, oignons… Aujourd’hui encore, même si les conditions socioéconomiques ont obligé la majorité d’entre eux à se sédentariser, ils continuent à pratiquer ce genre de conservation.
Le problème d’al-aoula, même si elle est encore largement pratiquée, est le congélateur qui permet aussi une longue conservation des aliments avec pratiquement pas de préparation sinon des sacs de congélation. Puis il y a la mondialisation qui permet d’avoir tout à n’importe quel moment de l’année. Si bien qu’on ne sait plus comment situer les fruits et légumes par rapport à sa saison.
Je ne sais pas si la notion de l’Aoula avec ses pratiques est importante. Mais si on perd tout ce qui ne semble pas important, en cédant à la facilité, on risque de se défaire peu à peu de tout ce qui constitue nos traditions identitaires, pour se retrouver un jour plongé dans une mondialisation imposée. Et on n’aura aucune empreinte culturelle pour marquer de notre présence le nouveau monde.

Ouiza Galleze

Nous sommes au 13e jour, du mois du patrimoine, au 7e jour du ramadan et nous parlons du PCI.

Après le rituel de hannat-la’aroussa, un autre élément, un savoir-faire relatif au mariage, attire notre attention. Il s’agit du couscous.
La notion de savoir-faire regroupe tout ce que l’homme sait faire de ses mains. Ce sont les métiers, les arts, les techniques, transmis par les anciens, que quelques-uns et quelques-unes maîtrisent encore.
Le couscous en fait grandement partie, parce que sa fabrication prend du temps, parce qu’il passe par plusieurs étapes, nécessite des transformations savantes et exige une panoplie d’outils qui ont été façonnés à travers les siècles pour améliorer sa qualité, des ustensiles dont le nom d’ailleurs en dépend et qui n’existent que par rapport à lui : qedra-wal-keskas (faitout et couscoussier), gherbal (tami), djefna (plat ?)…
Le couscous est fait à base de blé, d’orge, de sorgho ou de mil, une agriculture de champs à grande échelle, qui nécessite peu d’eau, des terres moyennement fertiles, et qu’on retrouve un peu partout, surtout autour de la Méditerranée. C’est un repas tiré de la nature puisqu’il se prépare toujours avec ce que la terre nous donne comme légumes de saisons. Et la mer aussi puisque les villes côtières font le couscous au poisson.
Du champ à l’assiette, le blé passe par plusieurs étapes. La dernière, celle de rouler le couscous, est pénible, typiquement féminine et domestique. Celle de le préparer aussi. Ce qui aura précédé constitue une vraie industrie de transformation alimentaire, qui intègre les hommes et les femmes, se fait en plusieurs lieux externes, notamment le champ et le moulin, réunissant aussi plusieurs outils et d’autres savoir-faire. Autrefois, la meule aussi était un travail de maison féminin.
On peut alors commencé par la semoule prête à être roulée car ce qui a précédé relève d’autres savoir-faire. La préparation du plat d’excellence : le coucous, qui n’a de sens que s’il est fabriqué en groupe et consommé en groupe.
Le couscous est un plat qu’on ne mange pas seul, un plat qui réunit autour de lui ceux qui nous sont chers, accompagne nos joies et nos peines et aplanit les différences.
Pour son origine, il est vain de savoir d’où il vient, il existe bien avant l’existence des frontières entre les pays. L’origine géographique est un faux problème qu’il faut arrêter de mettre en avant. L’origine historique aussi est peu précise, car elle nous renvoie toujours plus loin, avec d’autres découvertes. Mais là se cache une autre appartenance autrement plus importante et plus intéressante, dont on ne parle pas, c’est l’exclusivité féminine. Même si aujourd’hui, il est servi dans des restaurants, préparé par des hommes, ça ne fait pas de lui un plat mixte. Le couscous est un art féminin.
Il y a aussi son internationalisation et sa multiplication : on le retrouve désormais sur les 5 continents, avec des variétés insoupçonnées. Mais ce n’est pas ça qui fait la culture du couscous. Savoir préparer un couscous royal à Paris ou un couscous végétarien à New-York ne vous introduit pas dans le secret de la culture ancestrale du couscous. Ce qu’il faut retenir, c’est justement cette valeur intergénérationnelle et cette charge affective culturelle et cultuelle que le couscous porte en lui et qu’il dégage lors de son apprentissage et sa transmission avec des pratiques singulières. Il y a dans le couscous des choses que les hommes ignorent et qui ne peuvent se faire que par les femmes et pour les femmes. Le couscous du mariage avec son matériel neuf compte des rituels féminins qui concernent la fille seule avec mère. Le couscous du mariage est un vrai rituel, il est roulé la veille ou quelques jours auparavant, réunissant des femmes de tout le village qui roulent en chantant des chants spécifiques à l’événement. Le septième jour après la naissance d’un enfant, c’est un couscous tout aussi ritualisé qu’on prépare et qu’on distribue aux voisins. Pour les décès, la douleur et la tristesse de l’événement sont supportés par un couscous que les voisins préparent à tour de rôle, les premiers jours, aux proches du disparu. La famille à son tour offre au troisième et au quarantième jour un couscous aux passants pour signifier qu’elle a fait son deuil.
Les zaouias, dans des lieux retirés, ont un couscous quotidien pour les visiteurs occasionnels. C’est aussi un couscous qui y est servi pour les wa’ada (cérémonies religieuses), régulières en date fixe ou ponctuelles.
Alors on ne peut pas dire que le couscous est un patrimoine menacé. Au contraire, il n’a jamais été aussi consommé dans le monde. Mais le danger est l’industrialisation qui propose des couscous roulés avec une qualité en constante amélioration et des prix concurrentiels. Alors, le couscous est de moins en moins roulé à la maison. Ce qui menace les traditions et rituels qui accompagnent l’opération de « rouler le couscous ». C’est cela qu’il faut savoir protéger.

Ouiza Galleze 

Le henné est un moment qui donne sens à toutes les fêtes, un rite de passage, que ce soit du mariage ou de la circoncision.
Al-hanna, est un produit fétiche des cérémonies et des fêtes. On ne sait pas d’où vient ce terme qui s’appelle ainsi dans plusieurs langues, peut-être parce qu’aucun autre ne lui convient. A l’origine, le mot « hanna/hanan (affection) » est hébreu, il veut dire chercher ou trouver la grâce de Dieu. Il est converti à tamazight, à l’arabe, au français et à d’autres langues.
Le henné est une plante ancestrale qu’on trouve sous l’appellation scientifique de « lawsonia inermis ». Autrefois, on l’achetait en feuilles, pour une préparation maison. Mais aujourd’hui, il est vendu moulu en boite, il faut juste rajouter de l’eau chaude ou un autre produit liquide. Al- hanna al-war’quia est encore en vente chez certains marchands de produits du terroir, mais les personnes qui savent la préparer sont de plus en plus rares.
Le henné est utilisé pour ses vertus esthétiques et thérapeutiques, pour les bébés et les enfants, les hommes, les femmes et les personnes âgées. Il colore les paumes des mains, les pieds, et teinte les cheveux. Il est utilisé pour les fêtes sacrées et les fêtes sociales, on l’applique aux animaux domestiques aussi, lors des grandes cérémonies, comme le mouton de Aid Lakbir.
Le henné, on l’attend. Les jours de l’Aid, les enfants attendent avec impatience le moment de se colorer les mains et le dos du mouton. Les jours de mariage, on l’attend aussi pour faire baisser la pression, réduire les bruits et marquer le moment décisif du rite de passage. Un enseignement pour le garçon et pour la vie qui marque le passage vers la vie conjugale.
Dans une zaouia, on offre du henné avec des bougies. Et pour toutes célébrations diverses et variées, le henné est présent, pour marquer la sacralité d’un événement à un moment donné.
Son application pour la mariée relève de la magie, le moment irréversible, qui tranche avec le reste de la fête bruyant et peuplé. Pour la cérémonie du henné, les gens se taisent, retiennent leur souffle, font taire les enfants. Un silence religieux. La doyenne (le doyen pour le garçon) ou la proche parente avance majestueusement. Le henné du marié est suivi par les femmes à l’étage ou par derrière les fenêtres. Pour le henné de la fille, les hommes sont totalement exclus.
N’est pas doyenne qui veut, elle doit remplir des conditions, la voix d’Opéra en fait partie, puis une bonne mémoire, elle chante a capella, des paroles sans écrit qui vont décrire le passage du célibat à la vie de couple. Les thèmes sont classés : d’abord louanges à Dieu et son prophète, ensuite vanter les familles et exprimer leur joie, les uns de placer leur fille chez les meilleures gens et les autres de recevoir la fille des meilleures gens (nas lahseb wa-n-seb). Et enfin, le moment crucial, qui signe le rite de passage, « tu seras une épouse modèle, tu répondras aux demandes d’une famille qui sera la tienne et d’un mari qui sera le tien. » On clôture en saluant Dieu et son prophète.
Pour l’instant, même si les mariages ont été délocalisés, de la terrasse de l’immeuble à une salle de fêtes, la cérémonie du Henné reste intacte. Mais jusqu’à quand ? Les filles et les mamans de filles, soyez vigilantes. Ne perdez pas ce moment qui vous fait réellement sentir que le mariage est important, c’est une responsabilité, c’est une décision de vie et non un simple contrat d’intérêt ou de norme sociale. Votre mariage doit vous être unique

 

Les contes

Pour rester dans les rêves de la petite enfance, voici le conte d'une princesse qui se marie avec un ogre. Pour être accepté en gendre royal, il s’est transformé en un irrésistible bel homme. Il a séduit le père en parlant de ses biens et son château à nul autre pareil, et a séduit la fille avec sa beauté et sa galanterie.

Cette histoire se vit en trois phases :
- Dans un premier temps, avec le beau fiancé, la princesse vit des moments heureux,
- Dans un deuxième temps, après le mariage, elle découvre que c’est un monstre. Son comportement envers elle se transforme, il l’emprisonne dans ce château vu de l’extérieur et un vrai cachot à l’intérieur.
- Dans un troisième temps, le Roi découvre la supercherie et déclare le deuil au royaume. Il réunit toutes les forces vives de la population, promettant une belle récompense à celui qui sauvera sa fille.
Enfin, la solution se présente : la princesse a sept frères, qui ont chacun un pouvoir extraordinaire ou magique. Seule la somme des sept pouvoirs peut venir à bout du monstre et libérer la princesse.

Moralité :
1) la beauté n’est pas toujours ce qu’on voit,
2) il n’y a pas de force imbattable, chacun peut rencontrer plus fort que lui,
3) l’union fait la force, il est plus aisé de travailler en groupe que seul.

Moralité : faites de vos enfants des princes et des princesses et offrez leur ce que vous avez de meilleur : le pouvoir d'aimer, le pouvoir de discerner le bien du mal, et le pouvoir de se mettre au service des autres.

O. Galleze

 

 

Certaines histoires ne sont pas fondatrices, mais elles créent de l’empathie parce qu’elles viennent redresser une situation ou remettre les choses en place. Ce sont des légendes. Autrefois, la différence entre le mythe et la légende était palpable et relevait du genre littéraire, mais elle s’est estompée avec le temps.
Boughandja est un carnaval pour provoquer la pluie. A-t-il quelque chose en commun avec toutes les danses des pluies qui vont du Maroc en Egypte ancienne, aux indiens d’Amérique en passant par les Balkans ? Est-il l’ancêtre des prières musulmanes pour provoquer des pluies lors des longues sécheresses ? Les hommes peuvent avoir des comportements semblables devant des situations identiques, même s’ils ne se sont jamais rencontrés.
Dans le comportement social, vers la fin de l’automne, s’il ne pleut toujours pas, les mamans préparent les enfants à faire la danse de Boughandja. On fabrique un éventail : deux louches forment les bras, une plus grande forme le corps, le dos de la tête maquillé formant le visage (souvent, on habille la louche d’une robe de petite fille). Les enfants du village se rassemblent et font du porte-à-porte en chantant, et quémandent des semoules, des légumes secs, des fruits confits, de l’huile et des gâteries (d’autres histoires de porte-à-porte existent en d’autres événements comme Ayrad de Tlemcen ou tislit n-ba’ama à Adrar).
Une maison du village est désignée pour faire la cuisine et cuir ce qui a été offert. Plusieurs femmes viennent proposer leur aide. Le repas est offert à tous les habitants du village et les passants occasionnels.
D’où vient une telle pratique ? Plusieurs histoires, selon les régions, sont à l’origine de cette scénette. La plus commune et la plus partagée est celle d’un homme qui avait une très jolie fille appelée Ghandja ou Loundja. Tellement jolie qu’il ne l’a jamais laissé sortir à l’extérieur de la maison, par peur du mauvais œil. Un jour que la sécheresse sévissait, sa fille sortit dans la cour. Le ciel, devant sa beauté, se voile et il se mit à pleuvoir.
A partir de là, les villageois supplient le père, à chaque saison de sécheresse, de laisser sa fille sortir pour qu’il pleuve. Devant leurs tracasseries, le vieil homme prend sa fille et disparait dans la nature. Personne n’en a plus jamais entendu parler. Mais à chaque grosse sécheresse, les enfants du village sortent chercher Boughandja, le père de Ghandja, en allant de maison en maison, pour lui demander de laisser sa fille sortir pour faire venir les pluies et nourrir la terre. Dans les maisons, Loundja n’est pas. Mais par compassion, les mamans donnent aux enfants un peu de nourriture.
Cette histoire, de Annaba à Tlemcen, d’Alger à Timimoun, conçue avec des contenus diversifiés, dans des langues différentes, des environnements différents et des traditions différentes, a le même objectif : faire tomber les pluies, mais aussi un accord entre l’humain et les forces invisibles de la nature. Les anciens racontent qu’à chaque sortie, les enfants ne sont pas encore rentrés qu’il se met à pleuvoir.
La beauté de l’histoire est rehaussée par des proverbes, des citations, des poésies et des chansons. Ce qui montre la richesse de chaque région décrite par le poème et les aspects artistiques de sa création orale.

Les images ci-après sont de Rouiba, Adrar et du Maroc.

 

Ouiza Galleze

Chaque région d'Algérie pullule d'histoires, marquées par la nature de la société, l'environnement, le passé et les aspirations des habitants.

 Le mythe fondateur est un terme qui revient souvent dans le discours sur les ancêtres ou sur l'origine. On parle de mythe fondateur quand le début de la vie en société dans un lieu précis est rehaussé par une histoire qui donne à cet endroit une spiritualité qui le rattache à ses habitants. Comme l'histoire des deux pélerins à El-Hamel, ou Sidi Anderrahman à Alger et Sidi Mhamed à al-Hamma/Belcourt.

La création du monde est entourée de mythes sur les phénomènes naturels, les relations de l'homme à Dieu ou encore le vivre ensemble. La question des mythes fondateurs concerne la cosmogonie, l'origine de l'homme et les récits sur l'origine du monde et de la vie en général. Tout mythe relaté est porté par une tradition orale. Le mythe favorise la parole et l'échange, celui qui ne parle pas s'exprime par la violence. Le mythe instaure harmonie et sagesse là où le chaos fait peur, par la symbolique il remet celui qui raconte sur la voie de l'entente, du débat, du dialogue et de la conciliation. Il essaie aussi de trouver des vérités là où la raison n'arrive pas.

Dans Anthropologie structurale, Claude Levi-Strauss écrit : « Le mythe se définit par un système temporel rapportant des événements passés « avant la création du monde » ou « pendant les premiers âges». Sa valeur intrinsèque provient de ce que ces événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment une structure permanente et deviennent intemporels, se rapportant simultanément au passé, au présent et au futur ». La structure temporelle du mythe est donc à la fois historique et anté-historique.

Il y a des centaines voire des milliers de mythes fondateurs en Algérie. Mais on s'en éloigne souvent par un excès de rationalité ou un abus de radicalité qui qualifient le mythe de charlatanisme, provoquant l'amnésie par rapport à notre histoire.

Voici quelques histoires collectée à Médéa dans le cadre d’une étude sur l'inventaire PCI, réalisée par une équipe de chercheurs du CNRPAH. Ibn Khaldoun dit : « El-Média, a été fondée par Bologhine ibn Ziri, au XIe siècle ». Mais la mythologie raconte que « Médéa est une ville offerte par les anges et protégée par eux. Ils l'ont installé dans l'atlas tellien, si le mal rentre le matin il en ressort le soir. Il ne peut y passer la nuit. »

Quelques histoires qui parlent de l'eau. L'eau est un élément purificateur, beaucoup de choses se passent dans les fontaines et les sources :

-« Ain Dhab » était une source qui un jour a déversé de l'or à la demande d'un homme saint pour aider une population à sortir de la misère.

-« Ain achrab wa-h-rab » était une fontaine sur la route de Hennacha, située dans un bois épais qui impressionne et fait peur. On raconte qu'une ogresse régnait sur les lieux et empêchait les gens de se désaltérer. Par un temps de sécheresse, les gens ont manqué d'eau. Un homme courageux est allé trouver l'ogresse. Après maintes négociations, ils parviennent à un accord. « Je permets, dit-elle, à celui qui a soif de boire, mais nullement de s'asseoir pour se reposer. »

-« Ain La'arayès » était une source porte-bonheur pour les mariées qui espèrent le bonheur et la stabilité conjugale. Toutes les mariées en faisaient la visite pour les souhaits d'avant les noces. Mais cette tradition a disparu depuis que les filles ont fait du hammam une autre tradition de mariage.

-A Sidi Mahjoub, il y avait une source avec un palmier sacré. Sa visite protège contre la malédiction et suspend le sacrilège (tqaf).

Il existe à Médéa un nombre incalculable de sources et de points d'eau. La majorité d'entre elles ont disparu ou ont été détournées de leur mission mythique, même si elles ont encore des rôles thérapeutiques, sinon elles alimentent des besoins à la population.

 
Ouiza Galleze

Mahraz /aghiyaz : pilon : il sert à piler ou broyer les choses, les épices surtout et les ingrédients en petites quantités comme l’ail. Il est fabriqué en métal précieux pouvant survivre à plusieurs générations. On le trouve aussi en bois, il est dans ce cas moins résistant.
Sa grande sœur est « ar-hiwa », « thissirt », la meule, qui sert à broyer le blé, l’orge et tous les agrumes et légumineuses secs.
Qedra/ taqdirt/tachechuyt/le faitout : est un outil spécial, qui est probablement originaire d’Afrique du Nord, puisqu’il sert essentiellement à la sauce du couscous et accompagne le couscoussier. Il sert aussi à la chorba, surement un usage à posteriori. Il est fait de différents métaux, inox, aluminium, cuivre, bronze et aussi en terre cuite (argile). Autrefois les nomades le fabriquaient à partir de lamelles de branches de palmier et de ses feuilles, pour être plus facilement transportable dans le désert, avec un système de cuisson adapté. Mais ce modèle que j’ai vu personnellement chez une femme de In Salah en 2000, a surement disparu.
Kaskas/tasaksut/couscoussier : est un outil fabriqué exclusivement pour la préparation du couscous, même si son utilité s’est avérée profitable à d’autres missions. Il accompagne le faitout et doit dater de la même période. On ne se rend pas compte ou on n’y pense pas trop, mais le couscous constitue à lui seul une révolution dans l’art culinaire. Et cela apparaît à deux niveaux : d’abord la cuisson à la vapeur : qui est un régime alimentaire distingué (qu’on retrouve aussi chez les chinois, qui sont les pères d’une ancestrale tradition). Et la transformation : le fait de prendre un grain de blé, d’orge, de mil ou de sorgo, le moudre et le rouler pour le monter en grain qui cuit à la vapeur sans coller. Al-qedra wal keskas à eux seuls sont une industrie alimentaire.
Dans certaines régions, le terme keskas désigne le couscous.
Djefna/Gues’a/Tavaqit/tarahalit/tarvuyt est le plat qui sert à rouler le couscous. Large, incurvé sur les côtés pour ne pas déborder, c’est une œuvre qui fait preuve d’ergonomie avant son temps. Même si rouler le couscous reste une mission difficile. C’est toute une civilisation.
L’histoire de qedra, keskas et djefna s’inscrit dans la complémentarité. On ne peut imaginer l’un sans l’autre, même si leur usage s’est varié après coup. Elle est ancienne et s’inscrit dans l’histoire de l’art culinaire de l’Afrique du Nord. Des ustensiles de cuisine ont été découverts en Algérie de l’époque de Massinissa, mais beaucoup de couches archéologiques plus anciennes ne demandent qu’à être découverte et les entrailles de la terre ne cesseront jamais de nous surprendre.
Les premiers débris d’un couscoussier à trou découverts en Algérie datent du moyen âge. Le problème est que les premières fabrications étaient en terre, en rafia ou en feuilles de palmier, elles résistent au temps ordinaire mais pas au temps archéologique.
Gherbal : un autre outil réservé au couscous qui sert à équilibrer les grains selon des grosseurs prédéfinies par des trous de tailles variables. Il était entièrement fabriqué avec des produits de la nature animale et végétale, avant d’adopter le métal et le tour en bois travaillé.
On a aussi al-maraq, avoudou, le saucier ou verseur à bec court,
Tabouqalt bouqala, un verseur à bec long, pour servir l’eau à table,
Achmoukh, la cruche qui sert à garder l’eau fraîche,
Akoufi, al-koufi, une jarre murale pour la réserve de grandes quantités de légumes secs,
Tachevrit, petite jarre pour la réserve d’huile
Tnidjra/Abidouh : un faitout plus large et plus commun que al-qedra pour cuire différentes sauces ;
Tadjine/afarah : une plaque aux bords relevés, en terre ou en métal, pour cuire le pain ;
Kanoun : creusé à même le sol pour faire un feu ;
Nafakh : un outil à base de terre pour faire le feu, en remplacement du kanoun adapté aux maisons de ville.

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Ouiza Galleze

Dans les inventaires réalisés dans plusieurs région d’Algérie par des équipes de chercheurs du CNRPAH, certains éléments sont singuliers alors que d’autres traversent l’espace comme ils ont traversé le temps. Le tissage est un savoir-faire commun à tous les habitants d’Afrique du nord, de la Méditerranée et même au delà. Il varie à peine d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre et d’une classe sociale à l’autre. Très ancien, il est encore en usage dans de nombreuses régions, généralement pratiqué par les femmes, dans un métier vertical (à haute lice) ou horizontal (à basse lice).
On fabrique des burnous, des qechabiya, des hayek, des zarbiya. Les outils utilisés, presque tous les mêmes, n’ont que le nom qui change, tantôt en arabe, tantôt en amazighe. Encore que, souvent les appellations sont du amazigh arabisé, et même francisé comme le cardage (aqardache).
La légendaire histoire de Pénélope, femme d’Ulysse roi d’Ithaque, montre bien que le métier à tisser concerne les femmes de toutes les catégories sociales, et n’exclut même pas les reines. On trouve certes des tisserands hommes. Mais ils en font une profession et la partie ritualisée du métier à tisser reste propre à l’espace féminin, car il existe des rites que les hommes ne connaissent pas, qu’ils ne transgressent pas non plus.
Certains villages sont connus et reconnus pour le prestige de leurs tisseuses, c’est le cas de Mas’aad des Ouled Nayel (Djelfa) et les Ath-Hichem de Kabylie. Les femmes, même très affairées, continuent de tisser pour la maison, pour le mariage de leurs filles, pour les hommes de la famille et de plus en plus pour le commerce.
Le tissage est un phénomène de société. L’outil du métier à tisser est un appareil ancestral que se transmettent les femmes de génération en génération. Sa fabrication est un ouvrage lourd, son montage aussi puisqu’il occupe la moitié d’une grande pièce, il est démonté à la fin de chaque ouvrage. Les matériaux de fabrication et la matière première sont liés au climat. Dans les régions à large élevage ovin, c’est la laine de mouton qui est l’élément de base. Dans les régions du Sud à large élevage camelin, c’est plutôt louber (poils de chameau) qui est utilisé. Il reste que louber est un élément très prisé et très cher parce qu’il faut plusieurs chameaux pour parvenir à réaliser une qechabiya. C’est ce qui explique la différence de prix entre le burnous et la kechabiya, me dit Fatima, une tisserande de Boussaâda, et non la main d’œuvre très féminine qui reste à peine évaluée. Pour alléger la dépense et optimiser le commerce, louber est parfois remplacé par de la fibre.
Un bon burnous ne doit pas peser plus de 500gr, et une bonne kechabiya pas plus de 700 gr, disent les connaisseurs. Les fabricants ne connaissent pas la retraite, car ce savoir-faire s’affine avec l’âge, et les tisserands deviennent en fin de vie de vraie école du métier d’art.
Le burnous est une spécialité pointue, d’un art privilégié, il se fabrique en une pièce et la symétrie entre la gauche et la droite, avec la mesure précise de la taille du porteur, sans patron, sans mètre ruban, relève d’une main de maitre. Mais beaucoup se désolent de la disparition des derniers spécialistes en la matière. Il suffit de voir les rues des villes et villages en hiver entièrement peuplés de qechabiya ou encore de manteaux pour tous les âges pour parvenir au constat que le burnous est désormais un matériau de musée. Alors que jusqu’aux années 50/60, les montagnes des hivers enneigés sont toutes peuplées de burnous.
Sur le terrain, même si je n’ai pas fait toutes les wilayas, j’ai rencontré encore quelques spécialistes à Boussaâda, en Kabylie, à Naâma, mais, urgence signalée, il faut qu’une opération de protection soit rapidement mise en œuvre, pour ne pas perdre ce métier de valeur qui est en perte de vitesse, menacé du danger de l’oubli.
Le métier à tisser, c’est aussi les tapis (zarbiya/zraba, au pluriel) qu’on trouve encore au nord et au sud, à l’est et à l’ouest du pays, avec des différences artistiques, alors que la technicité reste fondamentalement la même. Certains modèles utilisent la laine dans sa couleur nature, comme dans le tapis traditionnel de Ghardaïa. Alors qu’à Médèa, la décoration dépasse les formes géographiques de traits, de zigzags et de losanges, pour présenter des fleurs et des arbres, suivant un canevas, semblables aux travaux du point de croix.
Al-zarbiya, de tailles variables pour les murs et les sols, est un objet de décoration alors que le hayek est fonctionnel. Al-hayek, al-bourabah, al-hanbal, al-hawli… sont des noms attribués à presque un même ouvrage. Les différences entre eux sont subtiles, et pas dans le processes de fabrication. Mais ce n’est pas le propos du jour. Qu’il serve de literie ou de décoration, le hayek se retrouve dans plusieurs régions d’Algérie. L’exemple à citer est celui d’ath Hichem, couronné par un salon qui en est à sa 10ème édition. Essentiellement organisé par une écrasante présence féminine, la fête du tapis traditionnel d’Ath Hichem, qui se déroule dans la commune d’Aït Yahia (daïra d’Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi Ouzou), rappelle chaque année (même si certaines années passent outre) que ce métier doit résister au temps, il doit se renouveler et passer au générations futures.
Pour résister à la modernité, dans un monde où les couettes sont plus chauffantes, plus légères plus pratiques et moins chères, les tisserands et tisserandes ont décidé de varier leur production, optant notamment pour la décoration maison. Les tapis sont réduits dans leurs dimensions pour couvrir des canapés d’une place, agrémentés par des coussins, des descentes de lit et même des nappes à bibelots.
Pour l’instant, ce qui sauve le patrimoine du hayek, de zarbiya et parfois du burnous, c’est encore la femme. Dans plusieurs régions du pays, les trousseaux de mariées comptent plusieurs pièces tissées main. Seul un inventaire global nous donnera une image fiable de ce qui existe encore comme détenteurs de ces métiers d’art dignes de l’orfèvre. Mais pour les garder, ces savoir-faire ont besoin d’une vraie place sur le marché dans l’économie nationale.

Ouiza Galleze

Le palmier fait partie du patrimoine agricole, et pas des moindres, c’est le cœur de la vie oasienne. Plus que l’olivier ou le figuier, le palmier est source de vie dans le désert et tout en lui sert à raccommoder aux difficultés d’un climat rude.
Le palmier, an-nakhla en arabe, tazdayt en amazigh, est un bien des communautés oasiennes dans la quasi-totalité du Sahara algérien, et dans d’autres déserts du monde. Une des créations les plus anciennes, on l’appelle al-âmma (la tante maternelle) parce que Dieu l’aurait créé en même temps qu’Adam pour nourrir la descendance de celui-ci. Une légende raconte : « lorsque Dieu a fait l’homme, il a conservé un peu de cette terre et a fabriqué un palmier. C’est un arbre sacré qui lui servira de nourriture et d’abri ».
Hormis les palmiers décoratifs plantés au nord, c’est à partir de 150 km au sud d’Alger que commencent à apparaître les premiers palmiers, qui deviennent de plus en plus denses au fur et à mesure qu’on se rapproche de la chaleur et du climat sec du Sahara.
Géographiquement, on le trouve sur le ruban des portes du sud au nord de l’Atlas saharien, Saïda, al-Bayedh, Naâma, M’sila…
Ensuite, la zone de grandes potentialités s’étend du sud-est au centre-sud, passant par Biskra, el-Oued, Oued Righ, M’niaa, Ghardaîa, Ouargla, jusqu’à la Saoura dans l’ouest entre Beni-Abbas, Taghit (l’oasis ensorcelante) et Bechar. A ce niveau se trouve la région de Tolga à Biskra, connue pour sa Deglet-Nour. Il y a aussi les plantations de Ghout (fosse, cuvette, entonnoir), à el-Oued. C’est un système unique : on creuse jusqu’à la nappe phréatique, dans cette région riche où l’eau se trouve à quelques mètres à peine. Ainsi, le palmier n’a pas besoin d’être arrosé, il va chercher l’eau avec ses racines. C’est un système ingénieux de patrimoine agricole mondial (SIPAM) à protéger et promouvoir.
Et enfin, vers le grand-sud où le palmier est moyennement présent surtout en signe d’espérance, c’est à Timimoun, Tidikelt, Djanet (oasis mythique), Ihrir (zone humide classée sur la liste RAMSAR), qu’on rencontre des palmeraies significatives et productives.
Le palmier est un patrimoine agricole, mais où le planter selon une géographie spécifique, comment l’arroser, le monter, cueillir ses fruits, fabriquer des ustensiles à base de son tronc et construire des murs et des plafonds avec ses branches… ce sont là des savoir-faire que détiennent encore quelques notables communautés du désert qui veulent bien partager leurs connaissances avec des gens intéressés.
Du palmier, on mange les dattes bien sûr, mais on fabrique aussi de la vaisselle, des meubles et on construit des maisons. La datte se mange crue et cuite, avec un couscous, en confiture, en sirop, en poudre…
Outre son utilité culinaire et domestique, le palmier-dattier est source de spiritualité et alimente une mythologie. En matière médicale, son pollen est un traitement privilégié pour les questions de stérilité et d’impuissance. Le palmier mâle est source de fécondité et les hommes s’arrachent le cœur à la floraison. Cultuellement, il a ses usages : le noyau de la datte est utilisé dans des rituels de sacralité pour protéger contre les forces du mal, le bébé à la naissance, le petit garçon à la circoncision et la jeune fille au mariage. Pour les filles, lors d’un rituel de passage typiquement féminin, les branches leur permettent de choisir leurs élus pour le mariage. Ce qui montre le rôle décisif de la femme dans le choix de son partenaire de vie.
Enfin, la vie du palmier rythme les différentes étapes de l’existence dans le Sahara. La palmeraie est le ciel d’un microclimat qui permet à la vie végétale de s’épanouir. On y découvre un système d’arrosage singulier, les foggaras que j’aborderai plus tard. La vie dedans est ordonnée selon un calendrier spécifique qui règle les événements du quotidien, que détermine le moment de la plantation, la cueillette, la coupe des palmes, l’arrachage des pousses et la recherche d’eau.
Dans le désert, le palmier c’est la vie.

 Ouiza Galleze

Timimoun, dans la wilaya d’Adrar, une oasis ensorcelante de la région du Gourara, construite au-dessus de la palmeraie, est réputée pour ses constructions de couleur ocre, à base d'argile, de paille et de tronc du palmier, adaptée au climat extrêmement aride. C’est un genre architectural berbéro-soudanais qu’on retrouve à Adrar, Reggane, In Salah, toutes situées autour du plateau du Tademaït. Il a aussi inspiré des villes du Sahel tels Tombouctou et Djenné.

Malheureusement, on voit s’ériger ses dernières décennies du fer et du béton, à l’encontre des saines traditions des anciens.

Cette région a bénéficié du classement de trois éléments de son patrimoine sur les listes de l’Unesco.

« sbouâ N’bi», ou « Le sbouâ, pèlerinage annuel à la zaouïa de Sidi al-Hadj Belkacem», reconnu comme patrimoine de l’humanité en 2015. C’est la célébration pendant 7 jours de la naissance du prophète, du 12 au 18 Rabie al-Awwal.

En effet, chaque année, des pèlerins des communautés Zénètes, venant de tous le sud-ouest du Sahara algérien, visitent les mausolées des saints et commémorent la naissance du prophète. Le sbouâ comporte des pratiques culturelles festives et des activités propres aux communautés locales, accompagnées de chants et de danses. Les pèlerins terminent leur voyage le septième jour sur une place à l’extérieur d’une zaouïa située au centre de Gourara, qui abrite la qobba (mausolée) de Sidi al-Hadj Belkacem.

A l’origine de cet événement, cette région était ravagée par les guerres de tribus. Soucieux de trouver une solution, Sidi al-Hadj Belkacem (XVIIème siècle) voit dans un rêve le prophète qui lui donne la solution. A partir de là, son autorité est reconnue parmi toutes les tribus et ce jour est célébré chaque année pendant 7 jours.

 

Ouiza Galleze

 

 

Les mythes, les légendes et les contes font partie du patrimoine culturel immatériel, ils sont fondateurs dans chaque parcelle de l’Algérie.

Il y a beaucoup d’histoires que les anciens racontent. Et nous, sous couvert de rationalité, on répond : « ça n’existe pas », ou sous couvert de religion, on dit : « c’est bid’a (بدعة).

Faux ! Ces histoires souvent symboliques, contribuent à construire notre identité, notre sentiment d’appartenance et notre fierté.

C’est une fierté que Médéa soit une ville offerte par les anges, que Sidi M’hamed ait deux tombes à Alger et en Kabylie, que Lalla Mansoura al-Amazighiya de Ouargla ait été aspirée par les cieux, qu’à Timimoun il y eut 7 sœurs d’une beauté rare qui soient fondatrices de 7 tribus et 7 ksars.

Voici une histoire qui nous vient de Boussaâda, exactement d’al-Hamel, qui donne sens aux notions de « sentiment d’appartenance » et du « vivre ensemble ». C’est la ville de Lalla Zineb et la ville d’accueil de la Rahmaniya, aux temps difficiles après l’insurection de 1871.

Ça se passe vers le 15e siècle. Il n’y avait rien à el-Hamel, juste le désert, de la terre et quelques buissons éparpillés.

Deux vieux (certains disent trois) venus de loin, se sont arrêtés pour se reposer, puis passer la nuit, pour continuer demain et aller plus loin, à la recherche de leur destin. Ils avaient, pour supporter la route, que leurs bâtons de pèlerins.

Le plus vieux a déposé son bâton à côté de lui pour s’aider à se relever au réveil. Mais dans la nuit, l’herbe a poussé autour du bâton et l’a enveloppé, comme s’il était resté plusieurs jours dans une terre marécageuse.

Le vieux, ne pouvant pas arracher son bâton au sol en conclut : « cette terre a décidé de nous retenir chez elle. C’est là que nous allons élir domicile. »

Ils contruisirent un abri de fortune et restèrent. Peu à peu des gens vennaient leur demander conseils, ou habiter près d’eux parce que chassés de leurs tribus…

C’est ainsi que se contruit un village et se peuple: c’est un village sacré parce qu’il a été fondé par deux hommes sacrés, des awliya’ Allah al-salihine (ceux qui disent qu’ils étaient trois, disent aussi que le troisième aurait continué sa route pour trouver plus loin son destin) et tous ceux que la vie a éprouvés, les leurs les ont rejetés et cette terre d’al-Hamel les a accueilli. Al-Hamel, la terre des errants est une terre d’accueil pour les gens égarés.

Ce qui va ajouter à la sainteté de la ville est l’arrivée quelques siècles plus tard de Sidi Belkacem qui va fonder là sa zaouïa, alors que tout le destinait à être un grand maitre de la Rahmaniya à Ath-Smail en Kabylie où il a fait ses études ou à Alger pour seconder le maitre de la Tariqa.

Lorsque les gens de la Rahmaniya ont été inquiétés par les français, fermant la zaouia de Ath-Smail puis son annexe d’Akbou et perturbant les activités de celle d’Alger, emprisonnant, exilant et martirisant les adeptes, Chaykh Aheddad, le père spirituel de la Tariqa leur dit : « Allez à al-Hamel, il y a la-bas un maitre qui vous attend ».

Ainsi les choses ne se font jamais par hasard. Il y a toujours une philosophie, une raison d’être, une éthique, une sagesse que le non-initié ne perçoit pas. Comme le battement de l’aile d’un papillon peut provoquer un tsunami à quelques milliers de kilomètres plus loin dans l’espace, la décision d’un chaykh au XVe siècle, de faire société en un lieu, peut être la raison d’un entendement fait pour recevoir la plus grande Tariqa algérienne au XIXe siècle. Là où les grands saints (ahbab Allah) auront toujours leur place.

Al-Hamel est devenue une des plus grandes universités de théologie et de littérature en Algérie qui a fonctionné jusqu’à l’indépendance, parce qu’un jour deux pèlerins y ont passé la nuit.

Les tombes des deux pèlerins sont toujours visitées à quelques mètres de la zaouïa qui est venue leur donner raison, là où repose Lalla Zineb, son père et leurs successeurs.

 

       

Sidi Belkacem

Lalla Zineb

Zaouia el-Hamel

Tombes des 2 errants

 

 Ouiza Gallèze

 

Chaykh Mohand Ou-l-Hocine (1836 -1901), est un homme religieux, un maitre soufi des awliya’ allah as-Salihine, du xixe siècle, du village de Taka Ait Yahia, de la Haute Kabylie. Il est issu d’une célèbre famille de Tolbas, les Aït Ahmed, de la tribu des Aït Yahia, dont descend aussi Hocine Aït Ahmed.

Chaykh Mohand Ou-l-Hocine est un adepte de la tariqa Rahmaniya. En 1871, il a survécu à l’insurrection dans laquelle la Tariqa Rahmaniya, à laquelle il était affilié, a joué un rôle majeur sous la direction du Chaykh Aheddad.

Il a été mis en lumière par plusieurs écrivains notamment Mouloud Mammeri dans « Yennayas a-chikh Mohand », et aussi chanté par Ait Menguelat.

Si Mohand Ou Mhand (1848-1905) est un poète philosophe de Laarba N’Aït Iraten, de haute Kabylie. Son œuvre inspirée de sa vie, raconte son enfance, alors qu’il se destinait à une carrière savante, une carrière avortée par les agressions coloniales, la mise à feu de son village, l’exécution de son père, la déportation de son oncle en Nouvelle-Calédonie. Sa famille a été totalement dispersée.

Il raconte, plus largement, les déambulations du poète errant qu’il est devenu, dans une vie placée sous le signe de la violence et de l'exil, déraciné et seul.

Ses Isefra (poèmes), ont été publiés sous forme de recueils à plusieurs reprises, notamment par Amar n-Said Boulifa en 1904, Mouloud Feraoun en 1960, Mouloud Mammeri en 1969 (et Larab Mohand Ouramdane au Maroc en 1997).

Cette vidéo met en scène la rencontre des deux hommes, dans une joute poétique passionnante, où Chaykh mohand prédit à Si Mohand qu’il mourra exilé (aghrib).

Ouiza Gallèze

 

Après Chaykha Tetma de Tlemcen à l’extrême-ouest, on se rend à Annaba, dans l’extrême-est.

Al-Chaykh Hassen al-Annabi (1925-1990), de son vrai nom Ahcène Aouchel, est née à El-Kseur (Béjaïa). Il avait à peine un mois quand ses parents partirent habiter Annaba. Il quitta l’école à l’âge de 14 ans et s’initia à la musique chaâbie au contact de grands maîtres tels que cheikh Tidjani, Bahmed Benaïssa et cheikh al-Okbi. Curieux et désireux de toucher à tout, il travailla avec les Aïssawa et fit du théâtre dans la société El-Badr dirigée par Omar Benmalek. Comédien et pianiste, il assurera la direction de cette même association, durant deux ans, vers la fin de la seconde Guerre mondiale.

Ce fut la phase initiatique à la musique andalouse. De simple instrumentiste à ses débuts, il devint un grand chaykh du malouf et imposa son propre taba’ (cachet) à un genre réputé difficile. Il est vrai qu’il eut la chance de côtoyer, dès ses débuts, les plus grands maîtres d’alors, dont H’ssen Khemmar qui lui apprit les abc du malouf et l’encouragea à éviter d’imiter la star de l’époque, al-Kourd, pour créer son propre style.

Dans la vidéo, juste derrière Chaykh Hassen, le monsieur au violon avec moustaches, c’est Mustapha Triki, un monument de la musique, originaire de Guelma, à qui il faut aussi rendre hommage, décédé dans le plus grand dénuement.

Ouiza Gallèze

Chaykha Tetma, de son vrai nom Fatima Tabet (1891-1962), est une chanteuse tlemcénienne de la première génération des interprètes connues, de la première moitié du XXe siècle. C’est la première femme à Tlemcen à organiser des fêtes, chantant le hawzi et le hawfi, en plus d’œuvres de maîtres comme al-Mandassi, Bentriki, Ben M’Saïb et Bensahla.

Enfant, elle a appris le Coran et la langue arabe auprès du chaykh al-Iraqi Hadj Mohamed. Et auprès de Moulay Ahmed Medeghri, elle s’initie à la musique. Sa mère, elle-même issue d’une famille de mélomanes, l’encourage. Plus tard, elle est prise en charge par les frères Dib (Mohamed et Ghaouti), grands maîtres de la musique andalouse de l’époque à Tlemcen. En 1916, elle chante pour la première fois devant un public.

Tetma joue du luth, de la kouitra et du violon. Quand elle rencontre l’orchestre de Braham ed-Derrai, c’est le début d’une longue carrière.

En 1918, elle enregistre son premier disque avec notamment les chansons.

Elle a travaillé avec de grands maitres dont Abdelkrim Dali, et a été plusieurs fois sollicitée par les milieux artistiques algérois pour animer des fêtes familiales, sous la recommandation de Meriem Fekkaï qui la programmait à des soirées. En 1950, elle se produit dans l’orchestre féminin de Fadhéla Dziria.

Quelques titres de ses chansons :

  • Nar hwakoum lahab  (feu ravageur)
  • Ana el ghrib(moi l’étranger)
  • Limen nechki? (auprès de qui me plaindrais-je ?)
  • Emchi ya rassoul ‘and el habib  (va ô messager chez le bien-aimé)
  • Laqeytouha fi tawafi tes’a  (je l’ai rencontrée en promenade)
  • ‘Alamen takoun had ezziyara  (pour qui est cette visite ?)
  • Malakni el hawa  (l’amour m’a conquise)
  • Lemmen nechki biqorh jmar ghzali   (auprès de qui vais-je me plaindre de mes douleurs ?)

 Ouiza Gallèze

regarder la vidéo en cliquant sur le lien :

https://www.youtube.com/watch?v=8Oi1iDKxNf4&feature=share&fbclid=IwAR2uXEM2TnVkPuOoUh86rG_3uRTdbzxBYbKOsf-YeRujNDtNwshyXimJt8Q

A l’occasion du mois du patrimoine, le CNRPAH propose de vous accompagner dans votre confinement, en présentant chaque matin une page du patrimoine, Algérien, Africain, Mondial.

Pour la première semaine, on fait un grand tour de l’Algérie profonde avec des thèmes de l’ouest, de l’est, du centre, du sud et du grand-sud.

  

LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATERIEL C’EST QUOI ? le 18 avril 2020

Nous sommes le 18 avril, et jusqu’au 18 mai, de chaque année, le monde célèbre le mois du patrimoine. Chaque pays fait le point sur ce qu’il a fait et ce qu’il est tenu de faire, pour se projeter dans un avenir mondial qui ne se fera pas sans sa marque de fabrique.

Il existe un patrimoine culturel mobilier, un patrimoine culturel immobilier et un patrimoine culturel immatériel.

Le patrimoine culturel immatériel qui est la somme des oralités, des traditions, des festivités, des savoirs et savoir-faire que les anciens nous ont légués.

Sa définition est simple : cet abrégé en PCI veut dire « tout ce qui est chargé de richesse et de sens : des mythes et légendes, des traditions littéraires, des musiques et des chants, des pratiques sociales (rites religieux, arts culinaires, spécificités vestimentaires…) »

On y trouve les récits historiques, les contes, les fables, les proverbes, ainsi que les jeux traditionnels, et tous les savoir-faire qui traduisent les gestes de l’artisanat et les pratiques liées à l’univers dans l’agriculture ou en mer…

Pour faciliter le classement, l’Unesco a défini 5 grands domaines du PCI, que je vous donne ici en les enrichissant de queques exemples du PCI algérien. Avant ça, il faut souligner quelques points de haute importance :

  • La langue (vernaculaire) est un vecteur du PCI et l’écrin dans lequel doit se mouvoir la dimension de protection et de conservation,
  • Le patrimoine se conserve là où il se vit, avec ses populations de base. On va vers le patrimoine et les communautés locales sont seules juge de ce qui constitue leur patrimoine.
  • Le patrimoine est vivant, il ne se fige pas, il n’est pas muséable.

 

Les domaines du PCI :

  • Traditions et expressions orales : poèmes, contes, chants traditionnels, chansons, bouqalat…
  • Arts du spectacle : comme la fête de Ayrad à Tlemcen, les spectables de musique et de chant, ou les représentations festives comme Tislit n’baama dans le sud ou loundja dans le nord, la fête de Lalla Mansoura al-Amazighiya à Ouargla, Sboua de Timimoun…
  • Pratiques sociales, rites et festivités : célébrations de mariages, yennayer, mouloud, chaw arbie (شاو الربيع) à Bordj Bouarreridj, la fête du printemps ou de l’arbre, la fête de la figue ou des olives… et toutes les célébrations religieuses et païennes.
  • Savoirs et savoir-faire liés à la nature et à l’univers : regroupe toutes les petites industries de fabrication de matériel de chasse, de pèche et d’agriculture, en plus de festivités saisonnières liées à la nature. Plusieurs événements peuvent être associés à plusieurs domaines, comme les célebrations de yennayer qui est un spectacle, une pratique sociale et un rite lié à la nature. L’Algérie a classé sur les listes de l’Unesco un savoir en voie de disparition qui est : « les mesureurs d’eau/ كيالين الماء) dans les fouggaras du Touat Tidikelt à Adrar ».
  • Savoir-faire liés à l’artisanat : c’est le plus gros volet, parce qu’il regroupe tous les gestes des anciens, pour fabriquer des choses. C’est l’ancienne « petite industrie » qu’on appelle aujourd’hui « l’artisanat », allant de la fabrication de pain, au couscous, à la broderie du Mejboud, au métier à tisser, à la poterie, à la caligraphie, à l’orfevrerie, aux traditions pastorales, à la décoration de zaouias et mosquées, à la construction des maisons, à la fabrication d’un bateau de pêche ou de guerre, au matériel de labour avec des bœufs (الحرث) …

Deux exemples de PCI, pour egayer vos journées en ce moment de confinement :

  • Pour éviter les contaminations, les femmes ont toutes décidé de fabriquer leur propre galette. C’est pour ça qu’on ne trouve plus la semoule dans les magasins, mais ceci est encourageant car il signifie que ce savoir-faire dans toutes ses variétés n’est pas perdu.
  • Si vous voulez passer du temps en famille mettez vous à :
    • حاجتك ماجيتك لو كان ما هو ما جيتك pour raconter des histoires comme بقرة الياتاما , même s’il faut l’édulcorer au goût du 21ème siècle pour intéresser les enfants.
  • Ou, si vous êtes entre femmes, faites des bouqalat :
    • Commencez par faire un nœud (أعُقدي), puis faites un vœu :

Voilà quelques exemples (Tiré du livre de Fatima Dilmi : Bouqalat) :

Introduction obligatoire aux séances de Bouqalat :

بــاســم الــلــه بديت *** وعلى النبي صليت

وعلى الصحابة رضيتو *** يا ساكنين البيت

بــاســم الــلــه بديت *** وعلى النبي صليت

وعلى الصحابة رضيت *** وعيّيطت يا خالقي

يا مغيث كل مستغيث *** يا رب السماء العالي

 

Conseil de mariage :

نزلت لقاع البحر وصبت الرمل يغلي

حفنت بيدي ليمين وحطيت في حجري

نوصيكم يا بنات ما تخدوش البحري

يقلع قلوعو ويخلي الدموع تجري

 

Un exemple sur l’absent :

بــخــرنــاك بــالــجــاوي*** جيبي لنا الخبر من القهاوي

بــخــرنــاك بالقصب *** جيبي لنا الخبر بالغصب

بـــخـــرنـــاك بــالــحــنــة  ***  جيبيلنا الخبر من مزغنة

 

Pour l’amour :

يـــا مــحــبــوبي حــبـتنــي كــيــف حــبـيتك

وبــعــد المــحــبّيــة اشركــــوني فــيــك الــنــاس

والا كـــنـــت خــاتــم اصــبــعــي لـــك قــيــاس

والا كنت تهليل الذهب أنــا لك حمالة

والا  كــنــت خــنــجــر أنــــا نـــحـــرف بك

والا  كــنــت كــتــاب أنــــا نــنــاظــر فيك

نتسارقوا عليك والي غلب فينا يديك

 Ouiza Gallèze

Banque nationale du PCI

 

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