Le palmier fait partie du patrimoine agricole, et pas des moindres, c’est le cœur de la vie oasienne. Plus que l’olivier ou le figuier, le palmier est source de vie dans le désert et tout en lui sert à raccommoder aux difficultés d’un climat rude.
Le palmier, an-nakhla en arabe, tazdayt en amazigh, est un bien des communautés oasiennes dans la quasi-totalité du Sahara algérien, et dans d’autres déserts du monde. Une des créations les plus anciennes, on l’appelle al-âmma (la tante maternelle) parce que Dieu l’aurait créé en même temps qu’Adam pour nourrir la descendance de celui-ci. Une légende raconte : « lorsque Dieu a fait l’homme, il a conservé un peu de cette terre et a fabriqué un palmier. C’est un arbre sacré qui lui servira de nourriture et d’abri ».
Hormis les palmiers décoratifs plantés au nord, c’est à partir de 150 km au sud d’Alger que commencent à apparaître les premiers palmiers, qui deviennent de plus en plus denses au fur et à mesure qu’on se rapproche de la chaleur et du climat sec du Sahara.
Géographiquement, on le trouve sur le ruban des portes du sud au nord de l’Atlas saharien, Saïda, al-Bayedh, Naâma, M’sila…
Ensuite, la zone de grandes potentialités s’étend du sud-est au centre-sud, passant par Biskra, el-Oued, Oued Righ, M’niaa, Ghardaîa, Ouargla, jusqu’à la Saoura dans l’ouest entre Beni-Abbas, Taghit (l’oasis ensorcelante) et Bechar. A ce niveau se trouve la région de Tolga à Biskra, connue pour sa Deglet-Nour. Il y a aussi les plantations de Ghout (fosse, cuvette, entonnoir), à el-Oued. C’est un système unique : on creuse jusqu’à la nappe phréatique, dans cette région riche où l’eau se trouve à quelques mètres à peine. Ainsi, le palmier n’a pas besoin d’être arrosé, il va chercher l’eau avec ses racines. C’est un système ingénieux de patrimoine agricole mondial (SIPAM) à protéger et promouvoir.
Et enfin, vers le grand-sud où le palmier est moyennement présent surtout en signe d’espérance, c’est à Timimoun, Tidikelt, Djanet (oasis mythique), Ihrir (zone humide classée sur la liste RAMSAR), qu’on rencontre des palmeraies significatives et productives.
Le palmier est un patrimoine agricole, mais où le planter selon une géographie spécifique, comment l’arroser, le monter, cueillir ses fruits, fabriquer des ustensiles à base de son tronc et construire des murs et des plafonds avec ses branches… ce sont là des savoir-faire que détiennent encore quelques notables communautés du désert qui veulent bien partager leurs connaissances avec des gens intéressés.
Du palmier, on mange les dattes bien sûr, mais on fabrique aussi de la vaisselle, des meubles et on construit des maisons. La datte se mange crue et cuite, avec un couscous, en confiture, en sirop, en poudre…
Outre son utilité culinaire et domestique, le palmier-dattier est source de spiritualité et alimente une mythologie. En matière médicale, son pollen est un traitement privilégié pour les questions de stérilité et d’impuissance. Le palmier mâle est source de fécondité et les hommes s’arrachent le cœur à la floraison. Cultuellement, il a ses usages : le noyau de la datte est utilisé dans des rituels de sacralité pour protéger contre les forces du mal, le bébé à la naissance, le petit garçon à la circoncision et la jeune fille au mariage. Pour les filles, lors d’un rituel de passage typiquement féminin, les branches leur permettent de choisir leurs élus pour le mariage. Ce qui montre le rôle décisif de la femme dans le choix de son partenaire de vie.
Enfin, la vie du palmier rythme les différentes étapes de l’existence dans le Sahara. La palmeraie est le ciel d’un microclimat qui permet à la vie végétale de s’épanouir. On y découvre un système d’arrosage singulier, les foggaras que j’aborderai plus tard. La vie dedans est ordonnée selon un calendrier spécifique qui règle les événements du quotidien, que détermine le moment de la plantation, la cueillette, la coupe des palmes, l’arrachage des pousses et la recherche d’eau.
Dans le désert, le palmier c’est la vie.
Ouiza Galleze