Super User
Friday, 01 May 2020 09:21

Al-aoula, la réserve ou le stock

Nous sommes le 1er mai, c’est la fête du travail, le 14e jour du mois du patrimoine et le 8e du ramadan.
Je me dis que pour un jour aussi important, on va parler de quelque chose de plus original : al-aoula ou la réserve de nourriture.
Al-aoula, la réserve ou le stock
Al-aoula est une tradition sociale pratiquée uniformément dans toute l’Algérie. Même si nous sommes désormais dans une économie de marché et qu’on peut acheter beaucoup de choses toute l’année, les habitudes ont la vie dure, on se retrouve encore à faire la réserve d’un tas de produits.
De fait, le premier aliment que les Algériens conservent est le couscous. Ils font ou font faire manuellement des quantités appréciables qui vont de 10 à 50 kg, à consommer durant plusieurs mois, voire toute l’année. Il y a aussi l’huile d’olives que nous retrouvons en grande quantité chez les gens, surtout ceux qui possèdent des oliviers, qu’ils soient encore en milieu rural ou habitants des villes.
Une grande tradition ancestrale que se partagent tous les Algériens est l’expression même de la philosophie d’al-aoula : yennayer. Yennayer marque le début de l’hiver. Les gens font le sondage de ce qui reste comme réserves pour eux-mêmes et pour tous les habitants du village qui doivent parvenir au printemps à l’abri du besoin. De toutes les productions du printemps, de l’été et de l’automne, tout doit parvenir jusqu’à la fin de l’hiver.
Al-aoula est un concept mythique qui respecte la vie de famille, on le dit utile aux envies des femmes enceintes (المتوحمات) et aussi pour les malades en fin de vie qui ont souvent envie de quelques fruits ou légumes hors saison.
Autrefois, al-aoula ne se faisait pas dans les placards. Elle avait ses espaces et ses outils particuliers. Des jarres (koufi) à la taille des richesses familiales occupaient une partie plus ou moins importante des grandes pièces, et des petites chambres en hauteur étaient entièrement consacrées à cet effet.
On conserve d’abord la semoule de blé dur, dans tous ses calibres, fine, moyenne et grosse, dans des sacs en lainage, surélevé du sol, de la farine de blé tendre, du couscous, mhamsa, et bercoucas. De même, les légumes comme les carottes, les navets, du chou-fleur, du fenouil, les olives, les tomates, les poivrons, le piment… La conservation de ceux-là se fait dans des bocaux en verre ou des jarres en terre cuite, plongée dans l’eau avec du sel, du vinaigre, des quartiers de citron, des branches de laurier et du fenouil sauvage. On conserve aussi dans l’huile, surtout pour les aliments cuits comme la tomate prête à la consommation ou les poivrons cuits et pelés.
La confiture faite maison est une forme citadine de conservation. On trouve les oranges, les coings, les pommes et même des raisins, pourtant difficile de les garder résistants avec la peau, chose dont excellent les femmes de Médéa.
Puis la conserve de viande salée séchée, plusieurs morceaux du mouton de Aïd Lakbir, notamment des parties précises, réservées au jour de Achoura et le jour du Mouloud.
La viande est coupée en carré corrects, parfois sans les détacher les uns des autres. Les morceaux sont plusieurs fois plongés et frottés dans du sel, jusqu’à bien en imprégner tous les cotés et en profondeur. « Monter les morceaux sur un fil, les accrocher dans un endroit aéré mais pas ensoleillé, couvrir avec une compresse, retourner parfois le tout et laisser sécher 5 à 6 jours. »
Enfin, des plats cuisinés peuvent être aussi entièrement conservés selon des méthodes particulières comme al-‘ousbane.
Pendant des siècles, les nomades, les hommes bleus du désert, séchaient les denrées alimentaires qu’ils transportaient dans leurs pérégrinations : tomates, ail, oignons… Aujourd’hui encore, même si les conditions socioéconomiques ont obligé la majorité d’entre eux à se sédentariser, ils continuent à pratiquer ce genre de conservation.
Le problème d’al-aoula, même si elle est encore largement pratiquée, est le congélateur qui permet aussi une longue conservation des aliments avec pratiquement pas de préparation sinon des sacs de congélation. Puis il y a la mondialisation qui permet d’avoir tout à n’importe quel moment de l’année. Si bien qu’on ne sait plus comment situer les fruits et légumes par rapport à sa saison.
Je ne sais pas si la notion de l’Aoula avec ses pratiques est importante. Mais si on perd tout ce qui ne semble pas important, en cédant à la facilité, on risque de se défaire peu à peu de tout ce qui constitue nos traditions identitaires, pour se retrouver un jour plongé dans une mondialisation imposée. Et on n’aura aucune empreinte culturelle pour marquer de notre présence le nouveau monde.

Ouiza Galleze

Nous sommes au 13e jour, du mois du patrimoine, au 7e jour du ramadan et nous parlons du PCI.

Après le rituel de hannat-la’aroussa, un autre élément, un savoir-faire relatif au mariage, attire notre attention. Il s’agit du couscous.
La notion de savoir-faire regroupe tout ce que l’homme sait faire de ses mains. Ce sont les métiers, les arts, les techniques, transmis par les anciens, que quelques-uns et quelques-unes maîtrisent encore.
Le couscous en fait grandement partie, parce que sa fabrication prend du temps, parce qu’il passe par plusieurs étapes, nécessite des transformations savantes et exige une panoplie d’outils qui ont été façonnés à travers les siècles pour améliorer sa qualité, des ustensiles dont le nom d’ailleurs en dépend et qui n’existent que par rapport à lui : qedra-wal-keskas (faitout et couscoussier), gherbal (tami), djefna (plat ?)…
Le couscous est fait à base de blé, d’orge, de sorgho ou de mil, une agriculture de champs à grande échelle, qui nécessite peu d’eau, des terres moyennement fertiles, et qu’on retrouve un peu partout, surtout autour de la Méditerranée. C’est un repas tiré de la nature puisqu’il se prépare toujours avec ce que la terre nous donne comme légumes de saisons. Et la mer aussi puisque les villes côtières font le couscous au poisson.
Du champ à l’assiette, le blé passe par plusieurs étapes. La dernière, celle de rouler le couscous, est pénible, typiquement féminine et domestique. Celle de le préparer aussi. Ce qui aura précédé constitue une vraie industrie de transformation alimentaire, qui intègre les hommes et les femmes, se fait en plusieurs lieux externes, notamment le champ et le moulin, réunissant aussi plusieurs outils et d’autres savoir-faire. Autrefois, la meule aussi était un travail de maison féminin.
On peut alors commencé par la semoule prête à être roulée car ce qui a précédé relève d’autres savoir-faire. La préparation du plat d’excellence : le coucous, qui n’a de sens que s’il est fabriqué en groupe et consommé en groupe.
Le couscous est un plat qu’on ne mange pas seul, un plat qui réunit autour de lui ceux qui nous sont chers, accompagne nos joies et nos peines et aplanit les différences.
Pour son origine, il est vain de savoir d’où il vient, il existe bien avant l’existence des frontières entre les pays. L’origine géographique est un faux problème qu’il faut arrêter de mettre en avant. L’origine historique aussi est peu précise, car elle nous renvoie toujours plus loin, avec d’autres découvertes. Mais là se cache une autre appartenance autrement plus importante et plus intéressante, dont on ne parle pas, c’est l’exclusivité féminine. Même si aujourd’hui, il est servi dans des restaurants, préparé par des hommes, ça ne fait pas de lui un plat mixte. Le couscous est un art féminin.
Il y a aussi son internationalisation et sa multiplication : on le retrouve désormais sur les 5 continents, avec des variétés insoupçonnées. Mais ce n’est pas ça qui fait la culture du couscous. Savoir préparer un couscous royal à Paris ou un couscous végétarien à New-York ne vous introduit pas dans le secret de la culture ancestrale du couscous. Ce qu’il faut retenir, c’est justement cette valeur intergénérationnelle et cette charge affective culturelle et cultuelle que le couscous porte en lui et qu’il dégage lors de son apprentissage et sa transmission avec des pratiques singulières. Il y a dans le couscous des choses que les hommes ignorent et qui ne peuvent se faire que par les femmes et pour les femmes. Le couscous du mariage avec son matériel neuf compte des rituels féminins qui concernent la fille seule avec mère. Le couscous du mariage est un vrai rituel, il est roulé la veille ou quelques jours auparavant, réunissant des femmes de tout le village qui roulent en chantant des chants spécifiques à l’événement. Le septième jour après la naissance d’un enfant, c’est un couscous tout aussi ritualisé qu’on prépare et qu’on distribue aux voisins. Pour les décès, la douleur et la tristesse de l’événement sont supportés par un couscous que les voisins préparent à tour de rôle, les premiers jours, aux proches du disparu. La famille à son tour offre au troisième et au quarantième jour un couscous aux passants pour signifier qu’elle a fait son deuil.
Les zaouias, dans des lieux retirés, ont un couscous quotidien pour les visiteurs occasionnels. C’est aussi un couscous qui y est servi pour les wa’ada (cérémonies religieuses), régulières en date fixe ou ponctuelles.
Alors on ne peut pas dire que le couscous est un patrimoine menacé. Au contraire, il n’a jamais été aussi consommé dans le monde. Mais le danger est l’industrialisation qui propose des couscous roulés avec une qualité en constante amélioration et des prix concurrentiels. Alors, le couscous est de moins en moins roulé à la maison. Ce qui menace les traditions et rituels qui accompagnent l’opération de « rouler le couscous ». C’est cela qu’il faut savoir protéger.

Ouiza Galleze 

Tuesday, 28 April 2020 08:20

Le Henné ou Hanna-t- la’aroussa

Le henné est un moment qui donne sens à toutes les fêtes, un rite de passage, que ce soit du mariage ou de la circoncision.
Al-hanna, est un produit fétiche des cérémonies et des fêtes. On ne sait pas d’où vient ce terme qui s’appelle ainsi dans plusieurs langues, peut-être parce qu’aucun autre ne lui convient. A l’origine, le mot « hanna/hanan (affection) » est hébreu, il veut dire chercher ou trouver la grâce de Dieu. Il est converti à tamazight, à l’arabe, au français et à d’autres langues.
Le henné est une plante ancestrale qu’on trouve sous l’appellation scientifique de « lawsonia inermis ». Autrefois, on l’achetait en feuilles, pour une préparation maison. Mais aujourd’hui, il est vendu moulu en boite, il faut juste rajouter de l’eau chaude ou un autre produit liquide. Al- hanna al-war’quia est encore en vente chez certains marchands de produits du terroir, mais les personnes qui savent la préparer sont de plus en plus rares.
Le henné est utilisé pour ses vertus esthétiques et thérapeutiques, pour les bébés et les enfants, les hommes, les femmes et les personnes âgées. Il colore les paumes des mains, les pieds, et teinte les cheveux. Il est utilisé pour les fêtes sacrées et les fêtes sociales, on l’applique aux animaux domestiques aussi, lors des grandes cérémonies, comme le mouton de Aid Lakbir.
Le henné, on l’attend. Les jours de l’Aid, les enfants attendent avec impatience le moment de se colorer les mains et le dos du mouton. Les jours de mariage, on l’attend aussi pour faire baisser la pression, réduire les bruits et marquer le moment décisif du rite de passage. Un enseignement pour le garçon et pour la vie qui marque le passage vers la vie conjugale.
Dans une zaouia, on offre du henné avec des bougies. Et pour toutes célébrations diverses et variées, le henné est présent, pour marquer la sacralité d’un événement à un moment donné.
Son application pour la mariée relève de la magie, le moment irréversible, qui tranche avec le reste de la fête bruyant et peuplé. Pour la cérémonie du henné, les gens se taisent, retiennent leur souffle, font taire les enfants. Un silence religieux. La doyenne (le doyen pour le garçon) ou la proche parente avance majestueusement. Le henné du marié est suivi par les femmes à l’étage ou par derrière les fenêtres. Pour le henné de la fille, les hommes sont totalement exclus.
N’est pas doyenne qui veut, elle doit remplir des conditions, la voix d’Opéra en fait partie, puis une bonne mémoire, elle chante a capella, des paroles sans écrit qui vont décrire le passage du célibat à la vie de couple. Les thèmes sont classés : d’abord louanges à Dieu et son prophète, ensuite vanter les familles et exprimer leur joie, les uns de placer leur fille chez les meilleures gens et les autres de recevoir la fille des meilleures gens (nas lahseb wa-n-seb). Et enfin, le moment crucial, qui signe le rite de passage, « tu seras une épouse modèle, tu répondras aux demandes d’une famille qui sera la tienne et d’un mari qui sera le tien. » On clôture en saluant Dieu et son prophète.
Pour l’instant, même si les mariages ont été délocalisés, de la terrasse de l’immeuble à une salle de fêtes, la cérémonie du Henné reste intacte. Mais jusqu’à quand ? Les filles et les mamans de filles, soyez vigilantes. Ne perdez pas ce moment qui vous fait réellement sentir que le mariage est important, c’est une responsabilité, c’est une décision de vie et non un simple contrat d’intérêt ou de norme sociale. Votre mariage doit vous être unique

 
Tuesday, 28 April 2020 08:18

les mythes, les légendes et les contes

Les contes

Pour rester dans les rêves de la petite enfance, voici le conte d'une princesse qui se marie avec un ogre. Pour être accepté en gendre royal, il s’est transformé en un irrésistible bel homme. Il a séduit le père en parlant de ses biens et son château à nul autre pareil, et a séduit la fille avec sa beauté et sa galanterie.

Cette histoire se vit en trois phases :
- Dans un premier temps, avec le beau fiancé, la princesse vit des moments heureux,
- Dans un deuxième temps, après le mariage, elle découvre que c’est un monstre. Son comportement envers elle se transforme, il l’emprisonne dans ce château vu de l’extérieur et un vrai cachot à l’intérieur.
- Dans un troisième temps, le Roi découvre la supercherie et déclare le deuil au royaume. Il réunit toutes les forces vives de la population, promettant une belle récompense à celui qui sauvera sa fille.
Enfin, la solution se présente : la princesse a sept frères, qui ont chacun un pouvoir extraordinaire ou magique. Seule la somme des sept pouvoirs peut venir à bout du monstre et libérer la princesse.

Moralité :
1) la beauté n’est pas toujours ce qu’on voit,
2) il n’y a pas de force imbattable, chacun peut rencontrer plus fort que lui,
3) l’union fait la force, il est plus aisé de travailler en groupe que seul.

Moralité : faites de vos enfants des princes et des princesses et offrez leur ce que vous avez de meilleur : le pouvoir d'aimer, le pouvoir de discerner le bien du mal, et le pouvoir de se mettre au service des autres.

O. Galleze

 

Monday, 27 April 2020 10:06

Légendes

 

Certaines histoires ne sont pas fondatrices, mais elles créent de l’empathie parce qu’elles viennent redresser une situation ou remettre les choses en place. Ce sont des légendes. Autrefois, la différence entre le mythe et la légende était palpable et relevait du genre littéraire, mais elle s’est estompée avec le temps.
Boughandja est un carnaval pour provoquer la pluie. A-t-il quelque chose en commun avec toutes les danses des pluies qui vont du Maroc en Egypte ancienne, aux indiens d’Amérique en passant par les Balkans ? Est-il l’ancêtre des prières musulmanes pour provoquer des pluies lors des longues sécheresses ? Les hommes peuvent avoir des comportements semblables devant des situations identiques, même s’ils ne se sont jamais rencontrés.
Dans le comportement social, vers la fin de l’automne, s’il ne pleut toujours pas, les mamans préparent les enfants à faire la danse de Boughandja. On fabrique un éventail : deux louches forment les bras, une plus grande forme le corps, le dos de la tête maquillé formant le visage (souvent, on habille la louche d’une robe de petite fille). Les enfants du village se rassemblent et font du porte-à-porte en chantant, et quémandent des semoules, des légumes secs, des fruits confits, de l’huile et des gâteries (d’autres histoires de porte-à-porte existent en d’autres événements comme Ayrad de Tlemcen ou tislit n-ba’ama à Adrar).
Une maison du village est désignée pour faire la cuisine et cuir ce qui a été offert. Plusieurs femmes viennent proposer leur aide. Le repas est offert à tous les habitants du village et les passants occasionnels.
D’où vient une telle pratique ? Plusieurs histoires, selon les régions, sont à l’origine de cette scénette. La plus commune et la plus partagée est celle d’un homme qui avait une très jolie fille appelée Ghandja ou Loundja. Tellement jolie qu’il ne l’a jamais laissé sortir à l’extérieur de la maison, par peur du mauvais œil. Un jour que la sécheresse sévissait, sa fille sortit dans la cour. Le ciel, devant sa beauté, se voile et il se mit à pleuvoir.
A partir de là, les villageois supplient le père, à chaque saison de sécheresse, de laisser sa fille sortir pour qu’il pleuve. Devant leurs tracasseries, le vieil homme prend sa fille et disparait dans la nature. Personne n’en a plus jamais entendu parler. Mais à chaque grosse sécheresse, les enfants du village sortent chercher Boughandja, le père de Ghandja, en allant de maison en maison, pour lui demander de laisser sa fille sortir pour faire venir les pluies et nourrir la terre. Dans les maisons, Loundja n’est pas. Mais par compassion, les mamans donnent aux enfants un peu de nourriture.
Cette histoire, de Annaba à Tlemcen, d’Alger à Timimoun, conçue avec des contenus diversifiés, dans des langues différentes, des environnements différents et des traditions différentes, a le même objectif : faire tomber les pluies, mais aussi un accord entre l’humain et les forces invisibles de la nature. Les anciens racontent qu’à chaque sortie, les enfants ne sont pas encore rentrés qu’il se met à pleuvoir.
La beauté de l’histoire est rehaussée par des proverbes, des citations, des poésies et des chansons. Ce qui montre la richesse de chaque région décrite par le poème et les aspects artistiques de sa création orale.

Les images ci-après sont de Rouiba, Adrar et du Maroc.

 

Ouiza Galleze

Sunday, 26 April 2020 09:08

Mythes et mythes fondateurs

Chaque région d'Algérie pullule d'histoires, marquées par la nature de la société, l'environnement, le passé et les aspirations des habitants.

 Le mythe fondateur est un terme qui revient souvent dans le discours sur les ancêtres ou sur l'origine. On parle de mythe fondateur quand le début de la vie en société dans un lieu précis est rehaussé par une histoire qui donne à cet endroit une spiritualité qui le rattache à ses habitants. Comme l'histoire des deux pélerins à El-Hamel, ou Sidi Anderrahman à Alger et Sidi Mhamed à al-Hamma/Belcourt.

La création du monde est entourée de mythes sur les phénomènes naturels, les relations de l'homme à Dieu ou encore le vivre ensemble. La question des mythes fondateurs concerne la cosmogonie, l'origine de l'homme et les récits sur l'origine du monde et de la vie en général. Tout mythe relaté est porté par une tradition orale. Le mythe favorise la parole et l'échange, celui qui ne parle pas s'exprime par la violence. Le mythe instaure harmonie et sagesse là où le chaos fait peur, par la symbolique il remet celui qui raconte sur la voie de l'entente, du débat, du dialogue et de la conciliation. Il essaie aussi de trouver des vérités là où la raison n'arrive pas.

Dans Anthropologie structurale, Claude Levi-Strauss écrit : « Le mythe se définit par un système temporel rapportant des événements passés « avant la création du monde » ou « pendant les premiers âges». Sa valeur intrinsèque provient de ce que ces événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment une structure permanente et deviennent intemporels, se rapportant simultanément au passé, au présent et au futur ». La structure temporelle du mythe est donc à la fois historique et anté-historique.

Il y a des centaines voire des milliers de mythes fondateurs en Algérie. Mais on s'en éloigne souvent par un excès de rationalité ou un abus de radicalité qui qualifient le mythe de charlatanisme, provoquant l'amnésie par rapport à notre histoire.

Voici quelques histoires collectée à Médéa dans le cadre d’une étude sur l'inventaire PCI, réalisée par une équipe de chercheurs du CNRPAH. Ibn Khaldoun dit : « El-Média, a été fondée par Bologhine ibn Ziri, au XIe siècle ». Mais la mythologie raconte que « Médéa est une ville offerte par les anges et protégée par eux. Ils l'ont installé dans l'atlas tellien, si le mal rentre le matin il en ressort le soir. Il ne peut y passer la nuit. »

Quelques histoires qui parlent de l'eau. L'eau est un élément purificateur, beaucoup de choses se passent dans les fontaines et les sources :

-« Ain Dhab » était une source qui un jour a déversé de l'or à la demande d'un homme saint pour aider une population à sortir de la misère.

-« Ain achrab wa-h-rab » était une fontaine sur la route de Hennacha, située dans un bois épais qui impressionne et fait peur. On raconte qu'une ogresse régnait sur les lieux et empêchait les gens de se désaltérer. Par un temps de sécheresse, les gens ont manqué d'eau. Un homme courageux est allé trouver l'ogresse. Après maintes négociations, ils parviennent à un accord. « Je permets, dit-elle, à celui qui a soif de boire, mais nullement de s'asseoir pour se reposer. »

-« Ain La'arayès » était une source porte-bonheur pour les mariées qui espèrent le bonheur et la stabilité conjugale. Toutes les mariées en faisaient la visite pour les souhaits d'avant les noces. Mais cette tradition a disparu depuis que les filles ont fait du hammam une autre tradition de mariage.

-A Sidi Mahjoub, il y avait une source avec un palmier sacré. Sa visite protège contre la malédiction et suspend le sacrilège (tqaf).

Il existe à Médéa un nombre incalculable de sources et de points d'eau. La majorité d'entre elles ont disparu ou ont été détournées de leur mission mythique, même si elles ont encore des rôles thérapeutiques, sinon elles alimentent des besoins à la population.

 
Ouiza Galleze
Saturday, 25 April 2020 17:46

Les outils traditionnels

Mahraz /aghiyaz : pilon : il sert à piler ou broyer les choses, les épices surtout et les ingrédients en petites quantités comme l’ail. Il est fabriqué en métal précieux pouvant survivre à plusieurs générations. On le trouve aussi en bois, il est dans ce cas moins résistant.
Sa grande sœur est « ar-hiwa », « thissirt », la meule, qui sert à broyer le blé, l’orge et tous les agrumes et légumineuses secs.
Qedra/ taqdirt/tachechuyt/le faitout : est un outil spécial, qui est probablement originaire d’Afrique du Nord, puisqu’il sert essentiellement à la sauce du couscous et accompagne le couscoussier. Il sert aussi à la chorba, surement un usage à posteriori. Il est fait de différents métaux, inox, aluminium, cuivre, bronze et aussi en terre cuite (argile). Autrefois les nomades le fabriquaient à partir de lamelles de branches de palmier et de ses feuilles, pour être plus facilement transportable dans le désert, avec un système de cuisson adapté. Mais ce modèle que j’ai vu personnellement chez une femme de In Salah en 2000, a surement disparu.
Kaskas/tasaksut/couscoussier : est un outil fabriqué exclusivement pour la préparation du couscous, même si son utilité s’est avérée profitable à d’autres missions. Il accompagne le faitout et doit dater de la même période. On ne se rend pas compte ou on n’y pense pas trop, mais le couscous constitue à lui seul une révolution dans l’art culinaire. Et cela apparaît à deux niveaux : d’abord la cuisson à la vapeur : qui est un régime alimentaire distingué (qu’on retrouve aussi chez les chinois, qui sont les pères d’une ancestrale tradition). Et la transformation : le fait de prendre un grain de blé, d’orge, de mil ou de sorgo, le moudre et le rouler pour le monter en grain qui cuit à la vapeur sans coller. Al-qedra wal keskas à eux seuls sont une industrie alimentaire.
Dans certaines régions, le terme keskas désigne le couscous.
Djefna/Gues’a/Tavaqit/tarahalit/tarvuyt est le plat qui sert à rouler le couscous. Large, incurvé sur les côtés pour ne pas déborder, c’est une œuvre qui fait preuve d’ergonomie avant son temps. Même si rouler le couscous reste une mission difficile. C’est toute une civilisation.
L’histoire de qedra, keskas et djefna s’inscrit dans la complémentarité. On ne peut imaginer l’un sans l’autre, même si leur usage s’est varié après coup. Elle est ancienne et s’inscrit dans l’histoire de l’art culinaire de l’Afrique du Nord. Des ustensiles de cuisine ont été découverts en Algérie de l’époque de Massinissa, mais beaucoup de couches archéologiques plus anciennes ne demandent qu’à être découverte et les entrailles de la terre ne cesseront jamais de nous surprendre.
Les premiers débris d’un couscoussier à trou découverts en Algérie datent du moyen âge. Le problème est que les premières fabrications étaient en terre, en rafia ou en feuilles de palmier, elles résistent au temps ordinaire mais pas au temps archéologique.
Gherbal : un autre outil réservé au couscous qui sert à équilibrer les grains selon des grosseurs prédéfinies par des trous de tailles variables. Il était entièrement fabriqué avec des produits de la nature animale et végétale, avant d’adopter le métal et le tour en bois travaillé.
On a aussi al-maraq, avoudou, le saucier ou verseur à bec court,
Tabouqalt bouqala, un verseur à bec long, pour servir l’eau à table,
Achmoukh, la cruche qui sert à garder l’eau fraîche,
Akoufi, al-koufi, une jarre murale pour la réserve de grandes quantités de légumes secs,
Tachevrit, petite jarre pour la réserve d’huile
Tnidjra/Abidouh : un faitout plus large et plus commun que al-qedra pour cuire différentes sauces ;
Tadjine/afarah : une plaque aux bords relevés, en terre ou en métal, pour cuire le pain ;
Kanoun : creusé à même le sol pour faire un feu ;
Nafakh : un outil à base de terre pour faire le feu, en remplacement du kanoun adapté aux maisons de ville.

.

Ouiza Galleze

Page 14 of 19

Banque nationale du PCI

 

Chaine Youtube - Documentaires

Site préhistorique de Ain Boucherit